En salles 20/09/2017

"A Ciambra", ou un enfant de Calabre

C’est l’une des nouveautés d’une semaine encore très dense en sorties et ceux qui suivent attentivement l’actu du court se souviennent de ce titre : normal, c’est sa "version longue"...

Le passage du court au long métrage de Jonas Carpignano s’est effectué avec Mediterranea, qui fut présenté à la Semaine de la critique en 2016, mais A Ciambra semble bien constituer la pierre angulaire de son œuvre naissante, puisque qu’il désigne à la fois un court métrage très remarqué – et qui fut également présenté et primé à la Semaine en 2014 – et aujourd’hui un long métrage. Sélectionné pour sa part à la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, il n’en partage pas, bien loin de là, que le titre.

Le court, dont on se doute qu’il ne va plus guère circuler désormais, est directement la matrice du long, nous immergeant dans le même milieu et dans les pas du même personnage. À savoir respectivement une communauté gitane de Gioia Tauro, tout au sud de la Calabre, et le jeune Pio, adolescent passant à l’âge adulte selon les rites des siens, donc en franchissant allègrement les frontières de la loi. Il est frappant de voir le garçon, Pio Amato (dont toute la famille compose le casting de ce projet de fiction solidement enraciné dans le terreau du réel), avoir évolué physiquement entre les tournages des deux films, séparés de trois ou quatre ans. Mais d’identiques séquences le font fuir un contrôle en empruntant une voiture de police, après une appel lors d’un cambriolage nocturne, ou connaître, pour devenir “vraiment” un homme, une première expérience sexuelle sordide, sur l’insistance de son frère aîné, avec une prostituée repoussante.

Le style évoque naturellement une veine de cinéma proche des Dardenne, pour résumer (des critiques ont d’ailleurs jugé le film très – trop – proche de La promesse), mais Jonas Carpignano, qui est né en 1984 à New York et qui a la double nationalité italo-américaine, pose un regard “de biais” sur les problématiques européennes des minorités marginalisées, que ce soit les Roms d’A Ciambra ou ces immigrés venus d’Afrique noire qu’il côtoient entre amitié et défiance, présents aussi dans Mediterranea, où l’on retrouvait du reste dans les rôles principaux Pio et le Burkinabé Aviya... Il a en tout cas le mérite constant de nous “secouer”, y compris sur un plan moral, face à une situation et des jeunes gens sur lesquels les a priori fusent, aisément négatifs (Pio vole et ment, comme ses frères ; des gosses de quatre ans laissés sans surveillance ont la clope au bec, etc.). Au final, un certain attachement au personnage principal se sera pourtant cristallisé, ce qui suffit à laisser deviner le potentiel d’un cinéaste qui n’en est, après tout, qu’au stade du deuxième long.

Christophe Chauville

Filmographie courts métrages de Jonas Carpignano
La casa d'Argento Bava
 (2006, 13 min)
Resurrection Man (2010, 6 min)
Bayou Black (2011, 13 min)
A Chjàna (2012, 19 min)
A Ciambra (2014, 16 min)