Extrait
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Le soldat vierge

Erwan Le Duc

2016 - 37 minutes

France - Fiction

Production : 10:15 Productions !

synopsis

Deux soldats, Daniel et Jérôme, fuient une guerre que nous ne voyons et dont nous ne savons rien. Jérôme est salement blessé, il va mourir, il le dit, il le sait, il a peur. Alors Jérôme souffle à Daniel une dernière volonté : il ne veut pas mourir puceau. Il veut mourir aimé...

Erwan Le Duc

Né en 1977 aux Lilas, Erwan Le Duc est diplômé de Sciences Po Paris. En 2012, il écrit et réalise Le commissaire Perdrix ne fait pas le voyage pour rien, son premier court métrage, qui met notamment en scène le comédien Alexandre Steiger, que l’on retrouvera dans la plupart de ses réalisations.

L’année suivante, il enchaîne avec Jamais jamais et confie à l’actrice Maud Wyler l’un des rôles principaux. En 2015, il la dirige à nouveau dans son court métrage Miaou miaou fourrure, puis dans Le soldat vierge, présenté à la 55e Semaine de la critique en 2016.

Son premier long métrage Perdrix, sorti à l'été 2019, met encore une fois en scène Maud Wyler, aux côtés de Swann Arlaud et de Fanny Ardant. Quatre ans plus tard, il achève son deuxième long, La fille de son père, qui est présenté au Festival de Cannes, en clôture de la Semaine de la critique. Il est proposé dans les salles de cinéma à partir du 20 décembre 2023.

La même année, Erwan Le Duc aura signé les six épisodes d'une série pour Arte : Sous contrôle

Parallèlement à son activité de cinéaste, il est également journaliste pour le service sports du journal Le Monde et rédacteur en chef adjoint de son site internet.

Critique

On se croirait chez Rimbaud : un soldat blessé, une végétation luxuriante, indifférente aux malheurs des hommes, et la mort au bout du chemin. Lors d’une guerre et à une époque indéterminées, deux soldats errent dans une forêt verdoyante et philosophent sur la vie, alors que l’un d’eux est mortellement blessé. À bonne distance, un colonel et son aide de camp les suivent et les observent. Le jeune homme mourant a un dernier vœu : connaître l’amour charnel et mourir “émerveillé”.

Sous la caméra d’un autre qu’Erwan Le Duc, une telle situation de départ pourrait déboucher au mieux sur un drame, au pire sur une pochade. Avec lui, cela donne une œuvre envoûtante et singulière qui ne ressemble à aucune autre. Un film de guerre, dont la guerre est savamment rejetée hors champ, figurée en quelques sons, deux ou trois accessoires, et des militaires qui courent au loin. Une plongée existentielle dont les questionnements sont stylisés à l’extrême, et qui laisse ses personnages aussi démunis que ses spectateurs. Une fable généreuse en niveaux de fiction, nourrie de contes finlandais et japonais, et dans laquelle les récits enchâssés sont synonymes d’évasion et de résistance passive face à l’adversité, à l’horreur, ou à l’ennui.

Est-ce l’absurdité de l’existence que le réalisateur capte ainsi dans cette atmosphère aux infinis camaïeux de verts ? L’errance des personnages, leur indifférence quant à leur but, et même face à la mort, racontent en filigrane la fragilité des destinées humaines. Mais au sentiment que tout peut s’arrêter à tout instant, et que rien n’a le moindre sens, se mêlent d’autres sensations, multiples et complexes, qui tissent une matière fulgurante de fantaisie.

Les dialogues, finement écrits, et souvent en décalage avec le contexte, apportent sans cesse un contrepoint humoristique ou poétique aux situations, entre mise à distance de la tragédie de la mort, lorsque l’un des personnages apostrophe son ami blessé d’un tonitruant “Debout les morts !”, et, pied de nez définitif à l’ironie du sort, avec cette dernière volonté qui confine au sublime : “Je voudrais mourir aimé”. Et cette tonalité douce-amère, tendrement loufoque, ultime forme d’élégance face à l’inéluctable, de contaminer peu à peu tous les pans du film.

Lorsqu’il qualifie son travail, Erwan Le Duc a une expression magnifique : il évoque la recherche d’un équilibre dans le déséquilibre. Et c’est exactement la sensation que l’on a face aux fluctuations de cette histoire qui s’envole, dérape, emprunte les chemins de traverse, fait le pont entre les réalités, puis repart de plus belle. Cette énergie du désordre transcende son récit et illumine sa mise en scène qui, se mettant au diapason, se permet trouvailles et audaces formelles. Le soldat vierge, déjà, annonce par sa densité et son univers les longs métrages qui ont suivi, et cette propension à réinventer sans cesse l’art de la narration par la bande, celle de la digression, de la rêverie, et du mot juste qui, à lui, seul, campe un état d’esprit et l’atmosphère d’une époque, ou d’une société. 

Marie-Pauline Mollaret

Réalisation et scénario : Erwan Le Duc. Image : Nicolas Mesdom. Montage : Léa Masson. Son : Mathieu Descamps, Alexandre Hecker et Gilles Bernardeau. Interprétation : Christophe Montenez, Nicolas Chupin, Atmen Kelif, Yan Tassin, Thomas Morris et Alexandre Steiger. Production : 10:15 Productions !

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