News 02/08/2018

Les Shadoks ont 50 ans

La série créée par Jacques Rouxel est née en 1968. Une exposition à Annecy et un bel ouvrage célèbrent ce cinquantenaire.

Le 29 avril 1968, débuta, à une heure de grande écoute, une série de courts films d’animation qui allait embraser la France. Nous ne voulons pas parler des événements de mai – même si certains ont cru voir une relation entre ces deux ébranlements –, mais d’une véritable bataille d’Hernani qui partagea la nation en deux clans irréductibles et dont, tout à la fois la présence de tels volatiles sur le petit écran et les réactions qu’ils ont déclenchées, en disent plus sur l’état du pays et de sa télévision que sur ces courts films d’animations eux-mêmes, aujourd’hui classés au patrimoine des chefs d’œuvre de l’absurde.

À l’occasion du cinquantenaire de leur création, le musée château d’Annecy consacre son exposition d’été aux créatures inventées par Jacques Rouxel. La matière est abondante et offre l’occasion de s’immerger dans cet univers shadokien et dans les arcanes de sa création. Dessins préparatoires, outils de prise de vue – la première série doit beaucoup à l’animographe, créé par Jean Dejoux, qui permet d’animer des séquences à 5 ou 6 images par seconde –, correspondances diverses et bien sûr diffusions de nombreux épisodes, liés pour toujours au timbre pince-sans-rire de Claude Piéplu.

Parmi les correspondances, il y a bien sûr celles des créateurs et de leurs interlocuteurs – une pensée émue pour le Service de la recherche de la RTF, animé par Pierre Schaeffer –, mais aussi les lettres des téléspectateurs dont une controverse, restituée dans un court film par Jean Yanne et Daniel Prévost, en restitue la saveur. Un florilège de ses missives est publié dans l’ouvrage-catalogue qui accompagne l’exposition. « Insulte à la beauté et ramassis de niaiseries », « on a honte d’être français quand on voit des stupidités pareilles », « de grâce, épargnez aux contribuables de la T.V. française, la torture de dessins et d’un monologue pouvant intéresser à la rigueur, ceux qui, dans leur débilité mentale reconnaissent cet auteur comme l’un des leurs » se récrient les uns. « Enfin le Shadok… et nous ne regrettâmes plus notre redevance TV », « Dans la diarrhée de fadaises qui déferle sur les programmes T.V., les Shadoks m’apparaissent comme le ver solitaire et luisant de l’espérance d’un mieux », « je dis que ceux qui sont contre les Shadoks sont des ploucs et des pignoufs ! » applaudissent les autres. Lesdits réseaux sociaux n’existaient pas, mais la Poste tournait à plein régime.

Les Shadoks, c’est aussi une philosophie qui excède la pauvreté du langage de ces drôles de bestioles réduite à leur « GA BU ZO MEU », des formules frappées au coin du syllogisme comme « En essayant continuellement on finit par réussir. Donc, plus ça rate, plus ou a de chances que ça marche » ou « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué », ou bien encore « s’il n’y pas pas de solution, c’est qu’il n’y pas de problème ». En visitant l’exposition, on a même le loisir de proposer des maximes propres à enrichir la pensée shadok. À d’autres endroits, il nous faut même pomper pour accéder aux informations.

Tout le monde ne passant par Annecy, l’ouvrage, édité à l’occasion, très illustré et enrichi de précieuses analyses, permet, avec bonheur, de se consoler.

Jacques Kermabon

 

Et revoilà les Shadoks, dessein et dessins de Jacques Rouxel, Éditions de l’œil, Ville d’Annecy, 2018, 30 euros.

Exposition Shadokorama jusqu’au 15 octobre 2018 au Château d’Annecy, Musée du film d’animation, 1, place du Château, 74000 Annecy.

 

 

 

Dessin dédicacé par Jacques Rouxel, feutre et aquarelle sur papier, 1991

 

Et voilà les Shadoks, série 2. Maquette de plan, indications couleur, crayon et encre sur film polyester, 14 x 14,4 cm, Collection Musée d’Annecy, don de l’Apama

 


Portrait de Jacques Rouxel par Marcelle Ponti-Rouxel, Archives aaa

 

Le premier épisode des Shadoks diffusés le 29 avril 1968

 

Un florilège du courrier des téléspectateurs, interprété par Jean Yanne