News 19/12/2016

Après la journée professionnelle de la Fête du court métrage

Le Regroupement des organisations du court (ROC) avait organisé des tables rondes, le jour de l’ouverture de la Fête du court métrage 2016, sur les thèmes de l’accompagnement de l’écriture et de la diffusion des œuvres sur internet. Nous en reproduisons ici le compte-rendu in extenso.

Le Regroupement des Organisations du Court réunit l'ensemble des acteurs de la filière du court métrage – auteurs-réalisateurs, producteurs, diffuseurs, organisateurs de festivals, artistes-interprètes et acteurs de la démocratisation culturelle – avec pour objectif d'assurer la pérennité et la diversité de la production et de la diffusion des œuvres de format court.

La journée professionnelle organisée ce jeudi 15 décembre, à l'occasion de la “Fête du court métrage”, a permis au ROC d'aborder deux sujets d'actualité de la profession : l'écriture du court métrage et son accompagnement, et la diffusion des films courts sur internet.

La récente réforme du court métrage a permis de moderniser les dispositifs de soutien à l'écriture, par la création de “bourses de résidences” au CNC, au bénéfice des auteurs de premiers et deuxièmes courts métrages, et dans le sens d'une “plus grande progressivité des aides” du CNC (Julien Neutres). Cette nouvelle dynamique enclenchée par le CNC était l'occasion pour le ROC de dresser un état des lieux et de réfléchir aux perspectives de l'écriture de court métrage en France. Richard Sidi a rappelé en introduction la grande diversité des acteurs de l'accompagnement de l'écriture, qui ont offerts à de nombreux auteurs la possibilité de se former et de faire leurs premières armes dans leur processus de création. Il a également été rappelé le rôle essentiel du producteur, premier interlocuteur de l'auteur dans ce moment qui est à la fois le plus long, le plus essentiel et le moins aidé de la chaîne de production (Pierre-Yves Jourdain). De la “Maison du film court” au premier film réalisé avec le GREC, jusqu'aux résidences d'écriture – où l'auteur a idéalement pleinement le temps et les moyens de se consacrer à son projet (Xavier Kawa-Topor) –, c'est toute une chaîne d'acteurs associatifs, qui accompagnent l'émergence de nouveaux auteurs, aux côtés des producteurs. Ces initiatives sont essentielles et doivent être mieux valorisées par les pouvoirs publics. Cependant, comme l'a rappelé Aude Léa Rapin, les besoins des auteurs de courts métrages ne s'expriment pas qu'en termes de formation et d'accompagnement, mais également, d'un point de vue professionnel, en termes de rémunération de l'écriture du scénario. Il est l'outil indispensable au financement, et à la réalisation du film. Comme l'a rappelé Cécile Vargaftig, “il faut intégrer pleinement le scénario à la chaîne de fabrication du film”. Jérôme Parlange a rappelé l'engagement de nombreuses collectivités territoriales aux côtés des créateurs, par l'existence d'aides à l'écriture, de bureaux des auteurs, ou l'invention de dispositifs nouveaux d'accompagnement – cet engagement volontariste auprès de la création n'étant pourtant plus abondé par le CNC au titre du 1€ pour 2€, en dehors de la mise en place de résidences.

La deuxième table ronde de la journée se voulait prospective, en abordant les problématiques de la diffusion des films courts sur internet. Comme l'a montré Caroline Guigay, internet a fait fortement évoluer les standards de durée et le mot « court métrage » ne veut pas dire la même chose pour tout le monde. Comment affirmer la légitimité et la visibilité du court métrage dans un univers de vidéos virales amateures et de tutoriels ? (Emmanuel-Alain Raynal). Dans le monde tumultueux d'internet, de nouvelles initiatives à forte dimension éditoriale voient le jour : comme Tënk, Mubi ou la nouvelle formule de Bref. Le court métrage a par nature besoin de cette forte éditorialisation, comme l'a montré Florence Keller, car il est par nature la frange de création méconnue, et ignorée du référencement des algorithmes et des moteurs de recherche. Les producteurs ne sont pas en reste, mettant pour certains à disposition du public leur catalogue, en VOD payantes à l'acte. Internet s'inscrit ainsi dans une stratégie de valorisation des catalogues. Ces nouveaux outils ont modifié nos rapports à la diffusion des films, les rendant plus complexes mais plus volatiles, comme l'a montré Pauline Ginot. Les auteurs des films se félicitent de telles avancées, allant dans le sens d'une meilleure visibilité des films dans le temps. L'Accord sur la recherche d'une exploitation suivie des œuvres, signée il y a quelques semaines, encourage en effet à une plus grande mise à disposition des œuvres, notamment sur internet. Cependant, les logiques d'internet posent des questions vertigineuses pour notre secteur et pour le maintien de la diversité culturelle (Marie Amachoukeli). Ces plateformes n'offrent pas de modèle de financement de la création, comme les diffuseurs et partenaires historiques du secteur. De leur côté, les chaînes de télévision ont adapté leur modèle de diffusion face à cette donnée, en développant notamment la télévision de rattrapage (Hélène Vayssières). Le nouveau territoire d'internet a donc besoin d'être aménagé en regard de l'ensemble de ces problématiques (Florence Keller). Les outils préexistants doivent pouvoir être mutualisés, au bénéfice de l'ensemble des acteurs de la filière du court métrage.

En conclusion, le ROC tient à remercier Xavier Leherpeur pour la modération, l'ensemble des intervenants et les 250 participants de ces tables rondes : ils ont montré par leur enthousiasme que le court métrage était toujours un espace particulièrement propice pour réfléchir aux grandes évolutions du secteur et aux politiques de soutien à la création, aux avant-postes des filières cinématographiques et audiovisuelles.

Le ROC demande à ce que les problématiques de l'écriture de court métrage soient envisagées de manière plus progressive par les politiques publiques – de l'émergence à la professionnalisation des auteurs-réalisateurs. Les associations qui œuvrent quotidiennement pour “rompre la solitude des auteurs”, sur l'ensemble du territoire, doivent être mieux soutenues. Par ailleurs, conformément aux directives de la ministre de la Culture dans sa récente circulaire relatives au soutien des artistes dans le cadre de résidences, publiée à la suite des “Assises de le jeune création”, le ROC demande que soient mises en place des rémunérations systématiques des auteurs accueillis dans ce cadre, sous forme de “bourses de résidences”, sur l'exemple de ce qui existe pour les écrivains et le monde du livre. Le principe des résidences doit être développé sur le territoire, notamment à l'attention des auteurs de court métrage. Nous demandons également que l'ensemble des aides à l'écriture et au développement mises en œuvre par les collectivités territoriales, soient abondées par l'État dans le cadre du 1€ pour 2€. Il est en effet indispensable que les collectivités territoriales restent engagées dans ces politiques de soutien à la création, et épaulées dans ces politiques indispensables au renouvellement des talents et à la qualité du cinéma français.

Le chantier de “l'aménagement culturel du territoire d'internet” reste à mener, et nous souhaitons l'accompagnement des pouvoirs publics dans la structuration de ce secteur. La diversité culturelle doit être présente sur Internet et les règles qui régissent le monde linéaire doivent être pleinement adaptées aux services non linéaires. Pour cela, il est nécessaire de mieux soutenir les plateformes qui font un travail éditorial spécifique, notamment en soutenant le court métrage. Il est également nécessaire de mieux valoriser, dans les obligations par ailleurs très faibles de ces services, la diffusion et le financement du court métrage, afin que ces services participent à la création de valeur autour du court métrage, de façon complémentaire, et non concurrente, aux chaînes de télévision. Enfin, une meilleure accessibilité à ces offres doit être développée, notamment par le référencement des œuvres disponibles.

Paris, le 15 décembre 2016