Livres et revues 02/12/2017

Les années sida à l’écran

Au lendemain de la Journée mondiale de lutte contre la maladie et alors que "120 battements par minute" de Robin Campillo est de retour en salles cette semaine, un retour s’impose sur un précieux ouvrage paru, il y a quelques mois, sur le sujet.

Critique aussi pointu qu’engagé et véritable spécialiste du cinéma LGBT international, Didier Roth-Bettoni a comme on peut s’en douter évité le piège du catalogue de titres et construit sa rétrospective exploration du sujet en opérant des choix souvent forts et en mettant l’accent sur des films en particulier, pas forcément les plus connus, mais avec une pertinence que nul ne pourra lui contester. Il est naturellement question des Nuits fauves ou de Philadelphia, modèle du film à message pour les grand public, envers qui l’auteur ne se montre jamais injuste, lui reconnaissant ses vertus de “vulgarisation”. Mais on sent que l’intéressé a davantage de goût à évoquer des œuvres plus méconnues, intimes et/ou militantes, s'attardant davantage sur le cinéma de Ducastel et Martineau ou deux de deux cinéastes à qui un chapitre entier (le VI) est dédié : Derek Jarman (à qui Roth-Bettoni avait consacré un autre ouvrage, en 2013, chez ce même éditeur installé loin de Paris, dans le Cantal) et le Canadien John Greyson, dont le film Zero Patience (1993) accompagne cette édition, comme un super-bonus DVD.

Le chapitrage du livre, qui s’ouvre sur une préface de Christophe Martet, ancien président d’Act Up Paris, permet de revenir aux origines de l’épouvantable contagion, à la charnière de 1985 (l'année de la disparition de Rock Hudson) et ses suites, avant de se tourner plus précisément vers la “communauté”, les “familles” et les “militants”. L’étude se conclue, avant les index, sur un émouvant dernier chapitre intitulé “Le sida après les années sida”, qui s’achève sur une note – enfin – optimiste, en lien avec le documentaire Vivant ! de Vincent Boujon (2015).

Le corpus s’étend aux téléfilms et œuvres documentaires et comprend quelques courts métrages, cités au sein de la filmographie, comme les 3000 scénarios contre un virus et la série L’amour est à réinventer, ce qui est bien la moindre des choses, mais on aurait aussi aimé voir citer certaines autres références, comme par exemple le beau Promis, juré d’Olivier Peyon (1996). Une telle réserve apparaît mineure au regard de cette somme qui prolonge idéalement la vision de 120 battements par minute, Grand prix du dernier festival de Cannes et qui semble forcément bien placé à la veille des bilans et remises de prix de fin et début d’année.

Christophe Chauville

 

Les années sida à l’écran de Didier Roth-Bettoni, ÉrosOnyx Éditions, collection “Images”, 25 euros (avec le DVD de Zero Patience, de John Greyson).
Disponible depuis le 3 juin 2017.

Photo de bandeau : © Céline Nieszawer.