Livres et revues 16/02/2017

Au travail avec Eustache

C’est l’un des cinéastes mythiques de l’histoire du cinéma français, dont on ne se lasse pas d’entendre parler...

La rareté de ses films en salles (et qui plus est en DVD ou à la télévision) ainsi que l’aura de mystère entourant Jean Eustache rend d’autant plus précieuse aujourd’hui la parution du livre de Luc Béraud qui fut son assistant sur ses deux premiers longs métrages et sur la première partie du court métrage Une sale histoire. Le récit chronologique de celui qui fut un proche ami d’Eustache jusqu’à sa fin tragique – et qui fut aussi l’assistant de Marguerite Duras ou d’Alain Robbe-Grillet à la même époque – se confond avec les tournages mouvementés de La maman et la putain, puis de Mes petites amoureuses. Deux récits autobiographiques, deux films à peine codés où Eustache redistribuait les cartes et les rôles de sa vie, jusqu’au vertige existentiel, jusqu’à la manipulation (Françoise Lebrun jouant par exemple, dans La maman et la putain, le rôle de celle pour qui le cinéaste la quitta) voire jusqu’au tragique (le suicide bien réel d’une femme qui l’aima – Bernadette Lafont dans le film – quelques jours après la première projection).

Dans l’ombre d’un premier long métrage trop grand, trop imposant et déjà définitif, Eustache réalisa d’autres beaux films mais s’abima tout autant, comme dévoré par son  obsédant souci de vérité et de fidélité à ce qui l’inspirait. Le récit factuel du tournage de Mes petites amoureuses (qui suivit très vite la sortie de La maman et la putain) est celui d’un désastre qui n’adviendra pas. Rongé par le doute, par l’alcool, obsédé par l’idée de tourner là-même où se passèrent les scènes d’enfance qui l’inspirèrent, Eustache délaisse le plateau, disparaît, revient, s’emporte, ingérable, ses errements rattrapés souvent par une équipe soudée et par Pierre Cottrell, producteur déterminé aux milles ressources.

Luc Béraud ne démonte pas le mythe du cinéaste-dandy, il raconte objectivement, sans sensationnalisme, ce qu’il vécut, ce qu’il vit, ce qu’il endura, admiratif d’une œuvre chahutée, branlante, imparfaite mais miraculeusement essentielle. On pourra encore une fois le vérifier du 3 au 27 mai, la Cinémathèque Française consacrant, dix ans après celle du Centre Pompidou, une rétrospective intégrale à l’œuvre de Jean Eustache.

Stéphane Kahn

Au travail avec Eustache de Luc Béraud, Institut Lumière/Actes Sud, 23 euros, 2017.

 

Luc Béraud présentera son livre, Au travail avec Eustache.

Mardi 28 février 2017 à 19h

À l’Institut Lumière, 25 rue du Premier-Film - 69008 Lyon

Conférence et séance de dédicace suivie de la projection de Mes petites amoureuses de Jean Eustache

 

Samedi 04 mars 2017

À la Librairie Les Saisons, 2, rue Saint-Nicolas - 17000 La Rochelle