En salles 25/01/2018

Zoo Topic

C’est l’une des plus notables sorties d’un mercredi 31 janvier qui s’annonce bien fourni : "Gaspard va au mariage” marque le retour d’Antony Cordier, un cinéaste dont on est toujours curieux et impatient de découvrir le travail depuis “Beau comme un camion”, bientôt visible en ligne sur notre site. L’occasion de se retourner sur son chemin...

Voilà déjà dix-huit ans qu’Antony Cordier remportait au Festival de Clermont-Ferrand le Prix spécial du jury pour son film de fin d’études de la Fémis, le beau documentaire (très) intime Beau comme un camion (qui sera du reste accessible en ligne à nos abonnés de Brefcinema à partir du 31 janvier).

Quasiment deux décennies s’étant depuis écoulées, il serait peu pertinent de chercher à jeter des ponts entre ce nouveau film et des courts aussi éloignés dans le temps. Mais on peut tout de même rappeler que bien avant la famille extravagante de Gaspard, qui vit à proximité d’un zoo géré de concert par un père imprévisible et cavaleur, sa magnanime compagne et deux de ses grands enfants, Antony Cordier a donc filmé la sienne. Tourné en DV-cam et gonflé en 16 mm, Beau comme un camion alternait les interviews frontales, des scènes de famille en apparence banales et une voix off à la première personne, afin de questionner au plus profond la fracture sociale ouverte par le fait de poursuivre des études pour un enfant d’ouvriers (au moment où Antony Cordier était donc étudiant, en section “montage”, à la Fémis). Loin de tout nombrilisme, le film frappait par la tendresse du réalisateur pour les siens, au-delà de la question posée, éminemment politique, et c’est encore le cas si on le revoit aujourd’hui.

La présence du politique – qui resurgit de façon subliminale à travers les zadistes croisés par Gaspard, alors qu'il tombe sur une baroudeuse qu’il emmènera avec lui chez son père (Laura, jouée par une Laetitia Dosch très à l’aise dans un tel registre) – imprégnait de façon explicite et presque programmatique La vie commune. Ce moyen métrage de fiction se déroulait dans un garage de la région de Tours, ville natale du cinéaste, où la fille du patron travaillait comme mécano – déjà un jeu sur les métiers et les clichés afférents sur les genres – et se laissait séduire par un “col blanc”, sur fond de déroute électorale de la Gauche...

La mise en scène excellait à faire circuler les corps dans un décor révélateur, ce que devaient poursuivre les longs métrages Douches froides en 2005, Happy Few en 2010 et, aujourd’hui, Gaspard va au mariage, où un motif animal s’invite en outre pour donner des clés sur l’évolution d’un jeune homme s’étant volontairement éloigné de son milieu. Un tropisme décidément prégnant pour celui qui s’est néanmoins clairement confronté à de nouveaux horizons et à des changements d’univers et de style (voir son titre, en référence directe à un fleuron du cinéma indy US des années 2000, signé Noah Baumbach).

Christophe Chauville

Filmographie courts métrages
Beau comme un camion (1999, 42 min)
La vie commune (2000, 28 min)