En salles 21/09/2018

“Volubilis” de Faouzi Bensaïdi : Meknès, my love...

Dans les salles cette semaine, une sortie proposée par ASC Distribution, qui nous permet de revenir sur l’itinéraire de deux bonnes décennies d’activité de son réalisateur, Faouzi Bensaïdi, avec aussi la mise en ligne de l’un de ses courts : “La falaise”.

L’air de rien, c’est en vraie figure-pivot des cinémas d’Afrique du Nord que s’avance aujourd’hui Faouzi Bensaïdi, en qualité d’acteur – toujours impeccable, dernièrement dans Les bienheureux de Sofia Djama ou dans Sofia de Meriem Benm’Barek – comme en tant que réalisateur. Volubilis, son quatrième long métrage en quinze ans, a été présenté aux “Giorni degli Autori” à la Mostra de Venise en 2017. Là même où Trajets avait, à l’aube du millénaire, remporté un Prix spécial du jury. Bensaïdi était alors très en vue dans les festivals de courts métrages, à la faveur d’un triptyque commencé avec La falaise et poursuivi par Le mur, sous l’égide de Gloria Films et en portant déjà un regard acéré sur son pays, le Maroc. Même sous le noir et blanc stylisé de La falaise, la réalité sociale du royaume était frontalement évoquée, riche d’envolées métaphoriques poussées plus loin encore dans Le mur, selon un champ sémantique proche, autour de l’obstacle, de la fermeture, des horizons bouchés...

Trajets creusait le sillon sur une tonalité dramatique, autour d’une famille représentative de la bourgeoisie de “Casa”, qui annonçait le tableau brossé aujourd’hui par Volubilis. Cette fois, c’est à Meknès que l’intrigue s’enracine, avec en point nodal un épisode d’humiliation subie par un vigile issu des quartiers populaires et qui perd dès lors pied, dans sa vie et dans son couple, alors que sa fiancée rêve de mener une vie simple et digne en s'inscrivant dans la modernité. Le profil du personnage rappelle d’ailleurs celui de la jeune fille de Trajets, en conflit avec son père en voulant vivre librement sa jeunesse – on se rappelle sa danse échevelée, dans son appartement, sur le tube d’Edwyn Collins A Girl Like You.

Mais les velléités d’affranchissement d’un carcan rigide, où la religion, l’oppression policière ou la corruption installée ont droit de cité, se heurtent violemment à la cruauté du réel et ce cinéma poétique se teinte vite de noir, avec parfois la mort au bout du chemin, ou du moins la chute, littéralement. La mise en scène, dans Trajets comme dans Volubilis, nous place directement en premiers témoins, conduisant le regard à l’intérieur même de villas cossues où se jouent, comme au théâtre, tragédies et trahisons.

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages

La falaise (1998, 18 min)
Le mur (2000, 10 min)
Trajets (2000, 26 min)