En salles 26/08/2018

Un petit bijou du temps de l’Union soviétique

Inédit jusqu’alors et présenté en 2018 au Festival international du film de La Rochelle, “La belle” (“Grazuole” en VO) est distribué en salles en version numérisée restaurée. Et ce film d’une durée d’une heure et six minutes est simplement splendide.

La belle fut réalisé à la toute fin des Sixties, alors que la Lituanie faisait encore partie intégrante de l’Union soviétique, l’indépendance des États baltes datant de 1990. Et Arunas Zebriunas (mort à Vilnius le 9 septembre 2013, à l’âge de quatre-vingt deux ans) était alors l’un des réalisateurs les plus estimés dans son pays, qui fut l’auteur d’une quinzaine de films et de téléfilms, celui-ci étant le huitième. Il travailla régulièrement avec des enfants et se targuait de ne pas montrer de “pionnier soviétique” dans ses films, même si quelque allusion politique peut pointer parfois au fil de La belle, qui se profile surtout comme une œuvre d'une poésie atemporelle. On y suit, dans un noir et blanc superbe, une petite fille, Inga, reine incontestée d'un jeu qu'elle pratique avec sa petite bande dans un village de Lituanie, où un cercle est formé autour de l’un ou l’une d’entre eux, qui effectue une danse et reçoit les compliments du groupe. La belle, c'est la danse, et c'est elle, aussi, du moins jusqu'à ce qu'un nouveau du quartier, mal embouché, se moque d'elle et la trouve moche, faisant s'effondrer son monde et ses certitudes... La gamine change subitement, perd sa bonne humeur et médite dès lors sur la beauté, qu'elle recherche partout dans son absolu...

La fable est simple, poétique, parfois poignante, et on devine que le succès énorme des Quatre cents coups de Truffaut dans toute l'URSS dans les années 1960 a laissé une trace chez bon nombre de jeunes cinéastes. On se laisse ensorceler par la musique entêtante de ce jeu d'enfants qui laisse surgir, de manière inattendue, une certaine cruauté, prenant un tour initiatique très touchant. La petite Inga Mickyté, qui tient le rôle principal du film et était apparue l’année précédente dans un autre film de Zebriunas, en l’occurrence un court métrage intitulé Mirtis ir vysnios medis, n’en tourna jamais d’autre. La belle est une rareté à de multiples égards.

Christophe Chauville