En salles 19/07/2018

Un "Fleuve noir” à méandres

Après trois semaines de bleu, place au noir... Le nouveau film d’Érick Zonca, dont on n’avait guère de nouvelles depuis un bail, est un film policier, sorti cette semaine en salles. Retour sur le parcours – en pointillés – du réalisateur...

La vie rêvée des anges en 1998, Julia en 2008, Fleuve noir en 2018 : c'est donc tous les dix ans que sort en salles un long métrage signé Érick Zonca. En parfait contraste, François Ozon, qui faisait partie de cette même génération dorée du court français des années 1990, en a fait dix-sept dans le même temps ! La rareté de Zonca au cinéma a sans doute ses raisons et c’est avec une adaptation de roman et sur le registre du film noir qu’il revient. Bien sûr, Rives, Éternelles et Seule sont désormais très éloignés dans le temps, tant et si bien qu’il est peu pertinent de tracer des liens possibles... D’autant que tous trois étaient assez différents les uns des autres : au mystère poétique de Rives, rencontre impromptue et peut-être rêvée d’un homme et d’une fillette au bord de la Loire en un matin d’hiver, succédait la chronique familiale plus naturaliste d’un adolescent de province s’éveillant à sa vie d’adulte au moment de la mort de sa grand-mère. Cet Éternelles qui remportait alors le Grand prix du Festival de Clermont-Ferrand était suivi de près de Seule, à son tour multiprimé et qui dressait un saisissant constat sur la rapidité de la déchéance sociale, en suivant caméra à l’épaule une jeune fille de vingt ans perdant coup sur coup son travail et son logement à Paris. Mais le film, qui révéla Florence Loiret-Caille, ne se voulait nullement réquisitoire militant et affirmait encore la primordiale importance accordée par Zonca à la pure mise en scène, d’abord et avant tout. Il amorçait aussi son goût pour le film de genre, la jeune fille en déroute trouvant un revolver et tentant finalement de braquer un taxi, sans succès puisque la police venait la cueillir, hagarde, dans un café dans le dernier plan du film.

Cette descente dans les tréfonds de la “fracture sociale” dont on avait alors coutume de parler annonçait à de nombreux égards la tonalité de La vie rêvée des anges, doublement primé à Cannes en 1998. Les temps ont changé et Fleuve noir nous immerge seulement dans une atmosphère de polar, parfois poisseux, avec ses fausses pistes et ses chausse-trappes, son jeu avec les codes, jusque dans la caractérisation, frisant volontiers les stéréotypes, de ses personnages principaux. Le commandant Visconti joué par Vincent Cassel, notamment, traîne son complet-cravate et ses cheveux gras d’un bout à l’autre, arpentant les alentours de la place Pigalle. Là-même où l’Amélie de Seule était jadis virée de son job de serveuse... Ou quand la géographie des lieux est aussi le subliminal témoin d’un temps enfui.

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages d'Érick Zonca

Rives (1992, 24 min)
Éternelles (1994, 35 min)
Seule (1996, 34 min)