En salles 03/12/2018

“La veillée”, un moyen métrage de Jonathan Millet

Ce moyen métrage de fiction d’une durée de 50 minutes sera à voir dans le cadre des “Découvertes du Saint-André-des-Arts” à partir du 5 décembre à la séance de 13h.

Dès les premières images, on se laisse ensorceler par la nuit bleutée, la brume et les nuages lovés dans la montagne, par cette mélodie à la clarinette et ses plans qui semblent couler de source. Cette première séquence lance un sortilège pour démarrer un envoûtement, comme pour nous mettre nous-même dans les conditions de la veillée. Et sans doute faut-il être préparé pour voir le visage d’un mort avec un tel relief. Après les plans larges et presque oniriques du début, nous sommes frappés par la crudité des plans sur ce visage blafard et maquillé, ce visage mort.

Le travail sur la lumière donne à l’image une matière palpable. On distingue presque les grains de la peau, du tissu et soudain de cette chambre mortuaire se dégage quelque chose de très vivant. On sent aussi une attention portée au traitement du son. Tous les bruits se distinguent et portent en eux une résonnance particulière. Frottements, entrechoquements, voix, mouvements, passages s’organisent dans un orchestre symphonique d’agitation. Le film tiendrait presque du documentaire, la caméra sait rester distante, simple observatrice d’événements qui pourraient être parfaitement indépendants, auditrice de dialogues très naturels. Cette maison où dort un mort n’aura jamais été aussi animée.

Ce contraste devient la matrice d’autres oppositions créant autant de points de friction au sein du film, et nous menant, spectateurs, en eaux troubles. Passant du plan large au plan serré, d’espaces confinés à d’autres, vertigineux, Jonathan Millet illustre le conflit. Les conflits –intérieurs que chacun mène contre soi-même et parfois contre les autres, et ceux, extérieurs, qui se cristallisent mais n’éclatent pas vraiment, se fondent plutôt sous l’effet de la tristesse et la chaleur des larmes. Il faut d’ailleurs attendre un moment avant que la moindre goutte ne s’écrase sur une joue. Le cadrage est tel qu’il relègue le mort et le chagrin en marge. Ce qui compte, c’est cette veillée, ce décor. Et c’est beau. Le défunt, lui, n’a plus d’esprit ni de corps, alors à quoi bon les bougies ? Elles sont pour les vivants. La veillée nous rappelle que ce rituel s'adressent aussi à ceux qui restent et continuent à endurer. Veiller donne du courage pour prendre le temps de vivre et de se parler. Tous ces contrastes s’unissent et font corps, à la manière des sœurs qui ne font plus qu’une à la fin du film. Un seul corps de contraires, qui puise sa force dans ce qui voudrait le détruire : la mort d’un père.

Anne-Capucine Blot


La veillée, de Jonathan Millet (2017, 50 min), avec Natacha Lindinger, Joanna Preiss, Sylvie granotier et Maud Wyler.

Du 5 au 17 décembre au Saint-André-des-Arts, à Paris, tous les jours à 13h (sauf le mardi 11).
Dates supplémentaires les 25 décembre 2018 et 1er janvier 2019.
Chaque projection sera suivie d’une rencontre avec un membre de l’équipe.
Le film partira ensuite en tournée à travers la France.