En salles 31/10/2017

Jeune femme au bord de la crise de nerfs

En salles cette semaine, l’un des premiers longs métrages français les plus fêtés et médiatisés de l’année, celui de Léonor Serraille, avec une Laetitia Dosch en très grande forme.

Lorsque le jury de la Caméra d’or du dernier Festival de Cannes, présidé par Sandrine Kiberlain, a distingué Jeune femme de Léonor Serraille, on ne l’avait honnêtement pas vue venir. Certes, Body, le moyen métrage de cette ancienne pensionnaire de la Fémis (en section “scénario”) avait été remarqué à Brive en 2016, mais il ne semblait pas augurer d’une suite si fulgurante.

Néanmoins, les deux films, quoiqu’en apparence différents, se répondent copieusement. Chacun met tout d'abord en scène un personnage féminin peu ordinaire : la “jeune femme” de ce premier long métrage, Paula, succède à la plus âgée Cathy, incarnée dans le moyen métrage qui a précédé par Nathalie Richard, que l’on retrouve cette fois en mère de l’héroïne – qu’elle refuse du reste fermement de voir réapparaître dans sa vie. Car la Paula en question, à qui Laetitia Dosch apporte toute son iconoclaste fougue, est à vrai dire un drôle de zèbre, extravertie et fofolle, imprévisible et parfois inconséquente, volubile et flamboyante. Quasiment le contraire de Cathy, silencieuse et effacée, ce qui n’est en rien étonnant puisque la réalisatrice, dans une chronologie peu ordinaire, a écrit Body après – et contre – Jeune femme, cherchant à opposer les deux registres de scénario et à composer un personnage peu bavard, en contraste avec celui qui viendrait dans le long métrage.

Les motivations de ces deux figures féminines semblent également éloignées a priori : Cathy progresse peu à peu vers un acte d'une glaçante gravité et franchissant les frontières de la loi (l’enlèvement d’un nourrisson à la clinique où elle est aide-soignante), tandis que Paula s’attache à s’engager dans un nouveau départ, à réintégrer l’échiquier social, trouver un appartement, un travail et, justement, un train-train. De quoi cesser d’être spectatrice de sa propre vie, comme c’est le cas pour Cathy, elle aussi peu douée pour aller vers les autres.

Dans les deux films, le cadre urbain est à son tour important et influent, que ce soit la ville de Brest, avec son architecture froide et géométrique, dans Body ou le quartier de Montparnasse dans Jeune femme. Il y est évidemment question de solitude, un motif inépuisable et sur lequel le regard caméra de celle qui a basculé dans l’irréparable nous interroge dans l’ultime plan de Body.

Christophe Chauville