En salles 07/02/2018

Jen’ chasseresse

Film-phénomène en festivals depuis Toronto l’an dernier, "Revenge" de Coralie Fargeat sort en salles. On se souvient que sa réalisatrice s’était distinguée dans le court avec un film en apparence très différent, "Le télégramme", il y a quinze ans...

Vendu dans le monde entier ces derniers mois, Revenge s'inscrit délibérément dans un cinéma de genre très graphique, d'une façon plutôt inhabituelle dans le cinéma francophone (il s'agit d'une une copro France/Belgique), mais le signaler revient à enfoncer une porte ouverte, malgré les récentes évolutions...

Ici, un désert indéfini accueille trois individus – d'évidence assez privilégiés – venus pour un week-end de partie de chasse, mais la présence de Jennifer, dite Jen', la jeune maîtresse, bien trop sexy, de l'un d'eux empêche vite les choses, évidemment, de se passer comme prévu... On ne “spoilera” pas le postulat conduisant à une inversion dans la narration et tournant autour de la notion de proie, pour saluer l'efficacité assez diabolique du film, qui accepte de ne pas chercher à rendre réaliste ce qui ne peut aucunement l'être et joue dès lors le coup à fond, de façon souvent jubilatoire et plus maligne que dans la majeure partie de la production estampillée “rape revenge” américaine – qui n'est d'ailleurs jamais distribuée au cinéma. Les paysages sont impeccablement utilisés et la jeune Matilda Lutz, top-model et actrice italienne vue l'an dernier dans le médiocre Summertime de Gabriele Muccino, parvient à supplanter Lara Croft et toutes ses autres consœurs “véner”. 

Coralie Fargeat s'était rapprochée du cinéma de genre avec Reality +, une histoire de SF développée en lien avec les Audi Awards en 2014 – et où apparaissait déjà l'un des visages de Revenge, Vincent Colombe – mais on se souvient de son nom surtout pour Le télégramme, un film court d'une dizaine de minutes remarqué dans une kyrielle de festivals en 2003 et qui se déroulait... durant la Première Guerre mondiale !

Deux femmes d'un certain âge, dans un village déserté, prenaient le thé en attendant l'arrivée d'un facteur boîteux, tenant à la main un télégramme susceptible d'être porteur de funestes nouvelles, la mort au front d'un fils en l'occurrence, mais lequel ? Habile dans l'écriture et le montage, insistant déjà sur une approche graphique du décor, le film annonçait finalement, très en amont, la voie que pourrait prendre sa réalisatrice, dont on peut en outre lire un entretien des plus instructifs sur le site Cineuropa

Christophe Chauville

Photos : © M.E.S. Productions / Monkey Pack Films.