En salles 07/11/2017

Aujourd’hui, en Algérie...

Présenté à Cannes dans la section "Un certain regard" en mai dernier, "En attendant les hirondelles" sort cette semaine. Il s’agit du premier long métrage de l’un des chefs de file du jeune cinéma algérien, Karim Moussaoui.

Nommé au César du meilleur court métrage en 2013 et distribué en salles deux ans plus tard, en février 2015, Les jours d’avant avait révélé Karim Moussaoui, qui avait écrit son film avec Virginie Legeay, également sa productrice. Il s’agissait de son premier projet qui bénéficiait de moyens décents, après des travaux entrepris grâce au système D (et un documentaire, Noir sur blanc, en 2006). Le titre de ce moyen métrage renvoie à la période qui précède le basculement du pays d’origine de l’artiste, l’Algérie, dans la guerre civile du milieu des années 1990, où les affrontements entre les forces de police et militaires avec le GIA se firent sanglants, à l’image de certains massacres restés hélas dans les mémoires.

Dans un tel cadre, celui d’un glissement vers l’horreur et la barbarie – voir le dernier plan du film –, Karim Moussaoui met en scène un jeune garçon et une jeune fille, Djaber et Yamina, qui se partagent le point de vue sur les événements à travers deux parties distinctes, introduites par des cartons portant leur prénom et appréhendant certaines scènes sous un angle différent, comme pour multiplier les approches sur ces événements toujours plus dramatiques (on passe d’un ton de chronique où un lycéen tombe amoureux d’une nouvelle voisine au surgissement de la terreur au quotidien et la nécessité de partir pour sauver sa peau).

Avec En attendant les hirondelles, présenté en mai dernier à “Un certain regard” au Festival de Cannes, Karim Moussaoui pousse plus loin son ambition de narration éclatée, en trois segments cette fois. Plusieurs personnages se retrouvent successivement au cœur de l’intrigue et se croisent parfois furtivement, dressant ainsi un tableau de l’Algérie contemporaine sur lequel plane toujours l’ombre des années de plomb – notamment à travers la dernière histoire, celle d’un médecin qui avait été forcé par des terroristes à des soins et replonge dans cette époque suite à un témoignage d’une femme alors enlevée et violée par le groupe factieux.

Mais le regard se porte aussi nettement vers l’avenir et le devenir d’une jeunesse prise entre deux feux, comme cette héroïne flamboyante décidant de se dérober à son mariage annoncé. La scène de la danse à laquelle elle se livre sur son chemin, en compagnie de celui qui la conduit vers son destin nuptial tout en étant amoureux d’elle, est emblématique du film et du cinéma de Moussaoui tout entier, d’autant que le garçon en question est incarné par Mehdi Ramdani, le Djaber des Jours d’avant. Un pont jeté entre les deux films, parmi beaucoup d’autres... Après les hirondelles, on attend les envolées qui suivront à coup sûr.

Christophe Chauville

Photo de bandeau : © Hichem Merouche

 

Filmographie courts métrages de Karim Moussaoui

Petit déjeuner (2003, 6 min)
Ce qu'on doit faire (2006, 25 min)
Les jours d'avant (2013, 47 min)