En salles 30/08/2018

3ème sexe

Sorti cette semaine, “Il ou elle” de la réalisatrice iranienne Anahita Ghazvinizadeh, primée à la Cinéfondation en 2013, explore le motif du genre dans un premier long métrage d’une belle sensibilité et d’une absolue sobriété,

Needle, en 2013, lui valait le Premier prix de la Cinéfondation à Cannes et Anahita Ghazvinizadeh, qui avait signé plusieurs courts métrages auparavant, devait en réaliser encore deux autres, en 2015/2016 – The Baron in the Trees et What Remains –, avant ce premier long présenté en séance spéciale en compétition cannoise officielle en 2017 et dont l'action prend place à Chicago, la ville où la jeune réalisatrice, née en 1989 à Téhéran, a précisément étudié, sortie diplômée en master de l'Institut d'Art local.

Habituée à diriger des enfants, en digne émule de Kiarostami, qui fut son professeur au fil d'ateliers en Iran, elle aborde avec Il ou elle un motif nécessitant une approche d'une extrême délicatesse, suivant un personnage de jeune garçon à la veille de son choix crucial d'être ce qu'il est en réalité, à savoir une fille, après deux ans de traitements hormonaux destinés à stopper le développement de sa puberté. Pourtant, là n'est pas le centre de gravité de la narration, ce qui peut d'ailleurs par instant s'avérer déstabilisant, le contact avec sa sœur aînée Lauren et le compagnon de celle-ci, Araz, mettant en exergue la réalité de son projet, de façon indirecte et sans insistance, au cours d'un week-end passé dans la famille du jeune homme – des Iraniens exilés aux États-Unis, autre image de possible(s) paria(s), une piste qui est heureusement battue en brèche.

Car là réside sans doute la principale force du film que d'envisager le personnage et sa situation sous l'angle de cette normalité qui devrait être de mise à chaque fois : quand J – c'est ainsi que le personnage est appelé, avec une signification plurielle mise en avant dans le titre original, They – rencontre des copains d'école alors qu'il a passé une robe d'été, les garçons ne l'emmerdent pas et ne se moquent aucunement, leurs rapports sont anodins, la différence supposée n'existe même pas... Le signe d'une maturité supplémentaire dans la manière d'aborder les sujets liés au genre, ce qui a encore plus de valeur symbolique venant d'une artiste issue d'une culture d'obédience islamique. Celle-ci a beaucoup d'autres surprises, à n'en pas douter, à nous délivrer à l'avenir...

Christophe Chauville