Un indispensable : l’anthologie Philippe Faucon en DVD

Alors que son nouveau film, Amin, a été présenté en mai dernier à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes (pour une sortie prévue le 3 octobre prochain), un coffret réunit, outre un livret de plus de cent pages, 8 longs métrages réalisés pour le cinéma ou la télévision par Philippe Faucon, une série de 4 fois 43 minutes (D’amour et de révoltes) et trois films courts. Beaucoup de ces œuvres sont totalement inédites en vidéo, et certaines présentées dans leur version restaurée.

Pour être objectif, le format court est marginal dans cette filmographie, Faucon n’étant pas passé du court au long, commençant “directement” en 1989 avec L’amour, un film qui ne figure du reste pas, un peu étrangement, dans ce coffret (où manque également Dans la vie, un film de 2008). Mais se plonger dans cette œuvre à la fois cohérente et plurielle, c’est surtout se rendre compte que ce réalisateur dont on parle finalement assez peu se situe sans doute dans le peloton de tête des tout meilleurs du cinéma français (même si on put reprocher un certain manque de finesse à La désintégration), peut-être même dans un “Top Ten” si on se laissait aller à cet exercice correspondant si mal à sa conception artistique, dirigée plutôt vers le partage et la générosité... Fatima (photo ci-dessus) aura joué pour lui, avec son succès et ses César, un peu le même rôle que Marius et Jeannette pour Robert Guédiguian au milieu des années 1990 : une reconnaissance un peu tardive et, dès lors, un accès à un plus large public. Enfin... Mais auparavant, il y a avait eu Sabine, il y avait eu Samia, il y avait eu La trahison. Entre autres !

Difficile – et arbitraire – de tirer des fils rouges de façon transversale, alors bornons-nous à souligner l’acuité du regard porté sur une France modeste, parfois marginalisée, souvent liée à l’immigration nord-africaine, avec le spectre de cette guerre sans nom toujours présente.

L’édition d’un tel coffret permet aussi de donner une vie à des films courts qui n’en avaient pas vraiment eue jusque là. Si Tout n’est pas noir (1997) apparaît quelque peu maladroit, il anticipe avec fantaisie des débats de société sur le droit à devenir parent pour les couples homosexuels, prenant en outre comme héros un couple de jeunes Blacks.

Deux films d’atelier dirigés par le réalisateur valent le détour : Vivre (2016) et surtout Making-off (2009). Le premier, en 5 minutes, a été tourné en liaison avec la Quinzaine, à Cannes/La Bocca, en collaboration avec une association, Parcours de femmes, et parvient à créer une émotion en quelques scènes à peine, dans un centre hospitalier où une jeune femme vient d’entrer pour soigner une tumeur cancéreuse. Ce court métrage est dédié à la grande Ronit Elkabetz, décédée le 19 avril 2016.

Making-off (photo ci-contre) avait pour sa part été conçu en partenariat avec la Maison de l’image de Basse-Normandie, dans le cadre d’un atelier réunissant 12 jeunes stagiaires comédiens et des étudiants de l’Université de Caen aux postes techniques, le chef-opérateur Laurent Fenart et l’ingénieur du son Pascal Ribier étant les seuls professionnels aguerris entourant le réalisateur sur le plateau. L’intrigue étant celle d’un tournage d’un court métrage étudiant, une mise en abyme se voyait ménagée naturellement et ce qui était tiré des jeunes interprètes, parfois intense, était extrêmement convaincant, la méthode Faucon s’affirmant comme sur d’autres films recourant à des “amateurs” ou révélant de nouveaux talents – en tête desquels Zita Henrot dans Fatima, ce qui lui valut le César du meilleur espoir féminin en 2016.

Avec Amin, le cinéaste aura tourné finalement pour la première fois avec une actrice de tout premier plan, Emmanuelle Devos, ouvrant ainsi peut-être un nouveau cycle. Ou pas. L’avenir le dira, une précieuse somme filmique étant pour l’heure à disposition à la faveur de cette imposante édition.

Christophe Chauville

Coffret Philippe Faucon – anthologie, 7 DVD + un livret, Pyramide Vidéo, 69,90 euros.
Disponible depuis le 5 juin 2018.