DVD 05/12/2017

Un été de porcelaine

Le film qui représente l’Espagne à la course à l’Oscar du meilleur film étranger en 2018 vient de sortir en DVD, avec deux courts en bonus. Normal, sa réalisatrice Carla Simón en a réalisé quatre, aussi étroitement liés à son histoire personnelle que cet émouvant "Été 93".

Que ceux qui pensent que le cinéma espagnol se résume aux polars poisseux et emberlificotés et aux comédies extravagantes plus ou moins almodovariennes se ravisent : un cinéma d'auteur intimiste existe aussi en parallèle et le premier long métrage de Carla Simón, qui est catalane (précision non indifférente en ces temps de troubles entre Barcelone et Madrid), en témoigne de façon éclatante.

Nous avions d'ailleurs déjà écrit ici tout le bien que nous pensions d'Été 93 lors de sa sortie en salles à la fin du mois de juillet dernier (texte à lire ici). Nous mentionnions alors les courts métrages de la jeune réalisatrice, reflétant tous cette prégnance autobiographique qui inspire à son tour le scénario de ce long métrage mettant en scène une petite fille au lendemain de la mort de ses parents, fauchés par le Sida au début des années 1990 – lors d'une épouvantable contagion qui ravagea l'Espagne, dont la jeunesse détenait des records de consommation de drogues, ce qui est assez mal connu du point de vue français. Ainsi, le documentaire Born Positive (2012) filmait des enfants séropositifs de naissance et le court de fiction Lipstick (2013) abordait le thème du deuil à travers deux gamins perdant leur grand-mère et réagissant à l'événement. La perte de son propre grand-père avait constitué pour Carla Simón l'élément déclencheur de ce film.

Ce sont deux œuvres courtes plus récentes qui sont proposées en bonus de cette édition, outre un entretien avec la cinéaste – et même deux, puisqu'une brève introduction à ces deux courts est prévue de façon spécifique. Llacunes (2016) s'appuie sur des lettres de la mère de la réalisatrice, disparue alors qu'elle n'avait que six ans, et s'accompagne d'images des lieux d'où les missives ou cartes postales furent envoyées, ce qui permet de suivre cette courte vie et de parvenir de façon bouleversante vers son dénouement tragique, alors que les volontés de la malade condamnée sont énoncées en vue de désigner sa fille, encore enfant, comme légataire. Avec une pudeur extrême, le contraste entre le lieu filmé, que l'on comprend être un hôpital situé au bord de la Méditerranée, et la dureté de la réalité sous-tendue est bouleversant, tandis que résonnent sur le générique les incantatoires accents du Tu mirá de Lole y Manuel, qu'affectionnait particulèrement la jeune mère défunte.

Las pequeñas cosas, film d'études de 2015 de la London Film School, confirme la délicatesse narrative consatée à travers Été 93, s'imposant une unité de temps, de lieu et d'action, à savoir l'attente par une mère et sa fille de son fils prodigue, censé venir de la grande ville pour leur présenter sa fiancée, dans la demeure familiale située dans une région reculée – sans doute la même que dans Été 93, où les paysages sont absolument splendides. À la fièvre affairée de la mère répond la jalousie larvée de la sœur, restée pour sa part à ses côtés et si peu considérée, même si sa différence (atteinte de nanisme, elle est incarnée par une excellente interprète que l'on retrouve également à l'affiche du long métrage) ne semble pas en être une raison avouée. Les “petites choses” font parfois de très bons films...

Christophe Chauville

 

Été 93 de Carla Simón, DVD, Pyramide Vidéo, 19,90 euros.
Disponible depuis le 21 novembre 2017.