Trois essais filmiques
Compte-rendu, paru dans "Bref" 123, de l’édition DVD des films de l’un des collaborateurs réguliers de la revue, Raphaël Bassan.
Collaborateur de Bref depuis la première heure, Raphaël Bassan n’est pas seulement un des plus éminents spécialistes du cinéma expérimental(1), il appartient aussi à ces critiques qui, ayant conservé cette activité comme principale, ont aussi signé quelques films. C’est ainsi que l’auteur se définit dans les textes qui figurent dans le coffret DVD de ses trois courts métrages restaurés et édités par Re : Voir. Ses productions n’ont qu’un rapport distendu avec le récit classique quand bien même ils mettent en scène des personnages en chair et en os dans des décors réalistes. Œuvre de jeunesse, Le départ d’Eurydice (1969), sous l’influence avouée de Garrel, Cocteau et Feuillade, affirme une approche poétique, métaphorique et se termine avec des accents à la Lautréamont.
Prétextes (1971) figure, plus qu’il ne représente, une relation amoureuse qui tourne au tragique ou plutôt, la fin dévoilant l’artifice du tournage, met en scène l’hypothèse, le brouillon d’un film qui raconterait ce possible drame.
Muets, les films précédents étaient enveloppés de musique. Lucy en miroir (2004) commence par un générique dit en voix off à la Guitry/Godard du Mépris – classique de la modernité régulièrement évoqué au fil du film –, suivie d’une profession de foi du réalisateur, puis joue, comme parfois chez Marguerite Duras – “Michael Snow au service de Duras” propose Bassan dans le making of qui figure en bonus – d’une jonction-disjonction entre des plans figuratifs et des dialogues dits en off. Ceux-ci sont complétés de commentaires et d’hésitations sur les options à prendre sur le film en train de se faire ; deux jeunes femmes autour d’un banc qui devisent et évoquent la personnalité d’un fantomatique Jonathan – prénom du protagoniste de Nosferatu –, personnage présent de façon intermittente uniquement par la voix off de Gérard Courant.
Ces trois essais expérimentaux ne constituent pas un triptyque, plutôt le parcours en pointillé d’un cinéphile tout-terrain, filmeur occasionnel et surtout critique, comme l’attestent les quelques articles repris dans la plaquette qui accompagne cette édition.
Jacques Kermabon
1. Voir son volumineux Cinéma expérimental. Abécédaire pour une contre-culture, Yellow Now/Côté Cinéma, 2014. Dans les bonus du DVD, figure une présentation de l’ouvrage, filmée par Viviane Vagh, le 2 juillet 2014.
Raphaël Bassan, Le critique filmeur,
DVD, éditions Re : Voir,
2017, 14,90 euros.
Photo de bandeau : Lucy en miroir.
