DVD 05/02/2018

Nous ne sommes rien, soyons tout

Un nouveau coffret proposé par Ciné-Archives, nouveau volume d’une collection indispensable et unique.

La perspective ouverte par la découverte de ce coffret édité par Ciné-Archives est passionnante et souvent vertigineuse. Cette véritable somme entraîne, en effet, dans la période contrastée, en permanente effervescence, que représentent les années de la Libération et, presque sans transition, de la Guerre froide, à travers le prisme du cinéma militant émanant du PCF et de la CGT. Ces deux incontournables pôles de l’extrême-gauche, au rôle alors considérable, s’intéressaient de près à l’outil cinéma et les vingt courts métrages réunis ici, ayant évidemment tous eu maille à partir avec la censure, offrent un espace de réflexion unique, enrichis par des mises en lumière d’historiens proposées en bonus, ainsi qu’un livre aux contributions pertinentes et précieuses, signées entre autres de Tangui Perron, Pauline Gallinari ou encore Alain Ruscio. Un entretien avec Bertrand Tavernier permet aussi de faire sortir de l’ombre des figures telles que celle de Louis Daquin, réalisateur emblématique de la mouvance communiste.

Du côté des films, l’accès se trouve ainsi permis à des pièces aussi légendaires que La grande lutte des mineurs (1948), avec son ultime “Internationale” qui fait dresser les poils ou Vivent les dockers (1951), brûlot livré par Robert Ménégoz au moment où la situation s’est sévèrement tendue contre cet impérialisme américain que l’on dénonce en mantra. 

Il faut se remettre dans le contexte de l’époque pour aborder l’incompréhensible tonalité du fameux L’homme que nous aimons le plus, réalisé en 1949 pour fêter les soixante-dix ans de Staline et où l’un des plus grands criminels de l’histoire fait l’objet d’un culte surréaliste, en totale bonne foi par tel ou tel ouvrier, étudiant ou paysan, suivant une voix off écrite et assurée avec lyrisme par Paul Éluard. 

Loin de ce stupéfiant aveuglement, on retrouve aussi la combativité de ce type de production sur le motif de l’anticolonialisme, le très rare Terre tunisienne rappelant en écho Afrique 50 de René Vautier. Et puis, en 1956, Le fascisme ne passera pas, contemporain de l’intervention de Moscou en Hongrie, laisse deviner que les temps ont commencé à changer, après le fameux XXe Congrès du Parti communiste en URSS… À quand un autre volume sur la période qui court jusqu’au Printemps de Prague ? On en salive déjà…

Christophe Chauville

 

Grands soirs et beaux lendemains. 1945-1956, le cinéma militant de la Libération et de la Guerre froide, coffret 2 DVD et 1 livre,
Ciné-Archives, 2017, 29 euros.

Cet article a été publié dans Bref n°123.