DVD 17/04/2017

Les aventures extraordinaires d’un papa peu ordinaire

Sorti en fin d’année dernière et auréolé d’une nomination au César du meilleur “premier film”, le joyeux “feel good movie” de Sophie Reine, “Cigarettes et chocolat chaud” est disponible à partir de cette semaine en DVD et Blu-ray. Nous avons pour l’occasion eu envie de poser quelques questions à sa réalisatrice.

Le lien semble évident entre votre court métrage (proposé en bonus du DVD), Jeanine, ou mes parents n’ont rien d’exceptionnel, et votre premier long métrage, Cigarettes et chocolat chaud, mais le second n’est pas la version longue du premier. Comment les situez-vous l’un par rapport à l’autre ?

L'histoire de ce projet est très particulière : je montais un film de Rémi Bezançon, Le premier jour du reste de ta vie, chez Mandarin cinéma quand la productrice, Isabelle Grellat, m'a proposé d'écrire, puis de réaliser un court métrage.
Elle trouvait que j'avais un univers particulier et m'a demandé de raconter une journée de ma vie. J'ai choisi de décrire, en exagérant un peu, le regard que porte ma fille Clara – qui joue dans le court métrage avec sa petite sœur Lily sur ses deux parents “adulescents”.
Pour Cigarettes et chocolat chaud, je souhaitais développer les mêmes thèmes (différence, parentalité hors norme...), mais du point du vue du papa et en y intégrant des touches autobiographique de mon enfance.

Vous aviez co-écrit – avec Louise Thermes – votre court, mais vous signez seule le scénario du long, en quoi les deux expériences ont-elles été différentes pour vous ?

L'expérience de co-écriture avec Louise, qui est une amie et qui est très talentueuse, m'a beaucoup plu, mais j'avais envie d'écrire seule. Je m'étais déjà frottée à l'apprentissage de l'écriture en suivant des cours ou des masters class et en participant à des ateliers, car en tant que monteuse, il me semblait indispensable de connaître un peu les rouages du récit au cinéma.
Au bout de quatre ans d'écriture en solo, j'avais besoin d'un regard neuf. J'ai donc fait appel à Gladys Marciano, spécialisée dans le script doctoring. Elle a réussi le difficile équilibre de structurer le scénario au mieux, tout en gardant mon univers. Je lui dois beaucoup. Elle est d'ailleurs devenue co-scénariste, créditée comme telle.

Était-il évident, en se lançant dans l’aventure du long métrage, de changer de casting, notamment pour le père, désormais veuf, des fillettes ?

Oui, tout à fait évident. Il me semblait indispensable de partir d'une feuille blanche. De créer une nouvelle famille.

La direction d’acteurs appliquée à des enfants ou de jeunes adolescents constituait-elle un challenge supplémentaire pour des premières réalisations ?

C'était l'écueil du film. Au cinéma, il arrive que les enfants “surjouent” ou récitent. Mais ma directrice de casting, Dorothée Auboiron, a réussi à dégoter ces deux gamines incroyables. Fanie Zanini, la petite Mercredi, est d'un naturel déconcertant, elle avait déjà tourné et ressemble énormément au personnage que j'avais écrit. Pour Héloïse, qui joue Janine, c'était son premier film, son premier rôle, et elle a assuré. Quant à Robert, le meilleur copain, il ne joue pas : il “est” Robert !
Une fois le casting bouclé, en amont du tournage, David Barouk, coach qui pratique la méthode de l'Actor's Studio, a fait travailler les filles sur les émotions plutôt que sur le texte. Et la bienveillance de Gustave Kervern avec ses “filles de cinéma” ont fini d'en faire les vraies Janine et Mercredi Patar...

Pourquoi avoir choisi de “déléguer” le montage de ces deux films alors que vous êtes vous-même monteuse, césarisée de surcroît ?

Le monteur est le premier spectateur d'un film. Il n'a pas d'affect avec les acteurs ou envers le tournage. Il regarde donc les images tournées avec un regard neuf et indispensable. Le réalisateur arrive pour sa part en salle de montage avec tout l'historique de la fabrication sur les épaules, de la longue écriture à la fatigue du tournage accumulés.... Le recul du monteur est donc pour moi indispensable. Surtout quand il est bienveillant et constructif, comme ce fut le cas avec Nassim Gordji et Claire Fieschi, deux amies proches et dont j'apprécie le travail.

Avez-vous envie de poursuivre pour vos projets à venir dans cette veine familiale et déjantée ou de passer plutôt à toute autre chose ?

L'expérience de Cigarettes et chocolat chaud fut avant tout une incroyable aventure humaine et solidaire. Plus de cent personnes, depuis la naissance du projet jusqu'à son exploitation, m'ont fait confiance et m'ont suivie, soutenue, aidée... Mais on a aussi l'impression de rentrer dans une machine à laver dont on ressort essorée et je me laisse donc un peu de temps pour réfléchir aux propositions qui me sont faites de réaliser à nouveau.
J'ai repris avec plaisir le chemin des salles de montage, aux côtés de Nabil Ayouch, et j'y retrouve la joie d'être collaboratrice et de ne plus me trouver sur le devant de la scène !

Propos recueillis par Christophe Chauville
Remerciements à Aude Dobuzinskis

 

Cigarettes et chocolat chaud de Sophie Reine, DVD et Blu-ray, Diaphana Édition Vidéo, 14,99 euros ou 17,99 euros.
Disponible à partir du 18 avril 2017.

Photos : © 2015 Mandarin Cinéma / Alexis Cottin.