Cahier critique 26/07/2017

“Des jours dans la rue” d’Arthur Harari

Découvrez le premier court métrage émouvant d’Arthur Harari, réalisateur de “Diamant noir”.

Avant Diamant noir, sorti en 2016, Arthur Harari a connu un premier succès avec ses moyens métrages La main sur la gueule et Peine perdue. Des jours dans la rue, tourné à 24 ans, n’a pas eu le même retentissement. Pourtant, il possède une force qui va au-delà des confrontations familiales exacerbées et de la volonté de réalisme de La main sur la gueule.

Un homme, Christian (Christian Chaussex), erre dans les rues de Paris et de banlieue à la recherche d’un travail. Quand ce récit commence, on sent qu’il cherche et marche déjà depuis longtemps, qu’il est bientôt au bout de ses forces. Son pas est lent, sa voix languissante ; au comptoir d’un bar, il n’a déjà presque plus d’argent pour un café. Il est toujours seul et calme.

Jamais le film n’est idéologique, ni social. Il se concentre sur l’homme, sa solitude et reste en même temps à distance vis-à-vis de son drame, comme l’interprétation de Christian Chaussex, d’une authenticité bouleversante. Ses attentes et son découragement sont perceptibles par des détails – la chemise blanche qu’il porte avant un rendez-vous finalement reporté – ou encore des ellipses, mais non pas désignés. Il doit avoir un logement, mais on ne le voit que dans la rue ; les causes de sa situation ne sont jamais racontées. C’est un paradoxe connu : parfois grâce à la distance, l’émotion surgit plus aiguë et plus durable.

Le passage vers sa chute est central. Des refus, une déception, et l’apparition au bord de la Seine, sous une chaleur lourde, d’un illuminé qui devient vision d’horreur et miroir de lui-même, comme le diable apparaît sous la forme d’un homme au prêtre Donissan lors de sa longue errance dans Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat – auquel Arthur Harari revient souvent. Sous le soleil, Christian continue, et son pas se fait de plus en plus lent, comme si l’astre voulait le briser contre le mur sur lequel son ombre s’étend.

En un dernier sursaut, l’homme sort de son calme désespéré par un cri destiné à sa mère ; mais aussi au monde entier ? Il retrouve finalement son mutisme et son visage apparaît alors transformé, non pas image de la folie mais de la perdition.

Léocadie Handke

Réalisation et scénario : Arthur Harari. Image : Tom Harari. Montage : Laurent Sénéchal. Son : Mathieu Delquignies, Florent Klockenbring et Emmanuel Croset. Interprétation : Christian Chaussex, Daniel Elkaim, Bruno Clairefont, Laurent Perrin, Bernard Brunet, Lucas Harari et Bagmatee Dusseea. Production : G.R.E.C.