News 06/02/2023

Drôles d’oiseaux plébiscité par le Syndicat de la critique

Les Prix 2023 du SFCC sont décernés ce lundi soir à la Cinémathèque française et c’est Charlie Belin qui a reçu celui du meilleur court métrage français de l’année pour Drôles d’oiseaux, un 26 minutes d’animation. La jeune réalisatrice a pour l’occasion répondu à nos questions.

Quelle a été votre réaction à l’attribution du Prix du meilleur court métrage de l’année par le SFCC à votre film Drôles d’oiseaux ? Quelle valeur accordez-vous à la reconnaissance critique envers votre travail ?

C’est une surprise ! Je me sens chanceuse de cette distinction. Il y a tellement de beaux films qui voient le jour tous les ans. C’est très gratifiant, après des années de travail en sourdine, et c’est une reconnaissance pour moi, mais aussi pour la formidable équipe qui m’a entourée depuis le début : Mariannick Bellot, qui a co-écrit l’histoire ; Loïc Burkhardt, en charge de la conception sonore ; Billie Belin au montage ; Charles Nogier à la couleur ; Marine Laclotte en assistanat réal… La liste est longue et j’aurais envie de mentionner tous les talents qui m’ont épaulée et qui ont jalonné la fabrication de Drôles d’oiseaux.

C’est aussi une belle récompense pour Virginie Giachino et Jean-Stéphane Michaux coproductrice et coproducteur du film, ainsi que pour les diffuseurs, Pierre Siracusa et Joseph Jacquet, qui ont été les premiers à me faire confiance dès les prémisses de l’écriture du film et grâce à qui celui-ci est ce qu’il est aujourd’hui.

Drôles d’oiseaux apparaît comme un projet atypique au sein de la production de cinéma d’animation, se déployant sur un format de moyen métrage : qu’est-ce qui y a conduit et quelle en a été la genèse ? 

Au départ, ce film a été retenu dans le cadre d’un appel à projets de 26 minutes lancé par France Télévisions autour du thème : “Le récit initiatique d’une héroïne contemporaine pour les 6-10 ans”. C’était pour moi quasiment une première expérience professionnelle en tant que réalisatrice. Auparavant, je n’avais réalisé que des films d’études assez courts, avant un premier film professionnel d’environ 3 minutes, Le coin, adapté d’un poème de Guillaume Apollinaire pour la collection En sortant de l’école. C’était un challenge, mais je suis contente de l’avoir relevé et j’ai pris goût à la mise en scène de formats plus longs.

Le film semble creuser une démarche artistique initiée dès Blanquette, réalisé à La Poudrière, notamment sur le travail sur le son. Comment avez-vous concrètement procédé sur ce volet de la fabrication ?

Je tenais à avoir la même approche dans la conception du son du film que celle que j’avais initiée dans mes précédents courts métrages, c’est-à-dire un travail autour du son direct et une démarche qui s’apparente au documentaire. Ce sont souvent des lieux ou des personnes réelles qui impulsent chez moi un désir de film. L’enregistrement sonore et le montage son précèdent l’image ou se font de manière concomitante, car le son m’inspire la mise en scène, les expressions, la gestuelle des personnages ; c’est un processus dont j’ai besoin pour être créative.

Je voulais enregistrer les voix in situ dans les lieux qui ont inspirés le film avec un mélange de comédiens professionnels et de non comédiens. Il y a eu des scènes d’improvisation, en particulier avec les adolescents au collège et avec le pêcheur sur la Loire. Il était indispensable pour moi de faire jouer les personnages ensemble hors studio, notamment pour les scènes entre les enfants au collège ou dans les échanges entre la petite fille et les adultes.

Je crois que l’aspect sonore partiellement documentaire du film a beaucoup contribué à ce que l’on soit immergé dans les sensations du personnage et je suis de plus en plus intéressée par les ponts qui existent entre fiction et documentaire : comment travailler l’écriture, le son et l’animation, à la croisée entre ces deux genres. C’est une manière d’essayer d’être au plus près du réel tout en s’en détachant par le dessin. J’adore la rencontre qui s’opère entre le son direct et l’animation. Ce qui me passionne, c’est d’essayer de capter avec justesse un instant pris sur le vif, comme dans un croquis d’observation.

Je voulais également que le film soit sans musique additionnelle. Comme il s’agit du portrait d’une petite fille naturaliste en herbe, cela me semblait évident d’être dans son écoute de la nature, dans sa reconnaissance des chants d’oiseaux, dans une immersion sensitive au collège, près de la Loire ou dans l’île.

C’est Loïc Burkhardt qui a créé le design sonore, et j’ai adoré travailler avec lui pour chercher comment rythmer la partie contemplative sur l’île, quasiment muette et presque en temps réel. C’était un défi artistique assez excitant et la collaboration avec Loïc était passionnante, car nous partageons tous les deux une exigence et un amour pour le travail du son.

Aviez-vous des références graphiques et/ou cinématographiques particulières sur ce film ? 

Il y a des films qui m’ont fortement inspiré comme Où est la maison de mon ami d’Abbas Kiarostami, ou encore L’homme qui plantait des arbres de Frédéric Back. Des livres jeunesse aussi, tels que Miss Charity de Marie-Aude Murail. Pour le dessin ou les couleurs, je me réfère souvent aux dessinateurs Quentin Blake ou Sempé, mais aussi à Steinberg, Gus Bofa, Jules Pascin… Et les dessins de Rodin, les couleurs de Bonnard ou de Nicolas de Crécy. Les bandes dessinées de David Prudhomme et les livres de dessins d’Emmanuel Guibert, également…

J’ai aussi beaucoup regardé les films d’Isao Takahata, comme Souvenirs goutte à goutte ou Le conte de la princesse Kaguya. J’ai également visionné plusieurs fois L’Atalante de Jean Vigo, l’un de mes films favoris, dont je ne me lasse pas. 

Comment décririez-vous votre collaboration avec Doncvoilà productions ? Avez-vous d’autres projets ensemble ? 

J’ai été accompagnée par deux sociétés de productions : Doncvoilà Productions et Camera Lucida Productions, la première spécifiquement spécialisée en cinéma d’animation et la seconde en prise de vue réelle et documentaire.

Virginie Giachino, de Doncvoilà Productions, s’est impliquée tout au long de la conception de Drôles d’oiseaux et elle a toujours porté l’ambition artistique de ce film avec ferveur. La collaboration avec Doncvoilà Productions a été intense et passionnante. La relation a beaucoup évolué dans le temps, alternant des moments de tension, de soutien mutuel ou de franche rigolade. Nous avons appris à nous connaître et à nous faire confiance, l’équipe de Doncvoilà a été d’une grande souplesse et a toujours défendu ce moyen métrage, délicat à produire, comme un film d’auteur.

La fabrication a été très compliquée car le film s’est fait en plein Covid, partiellement en télétravail et nous avons donc dû faire face à un certain nombre de difficultés. Virginie produisait pour la première fois un film de cette durée, nous étions toutes deux face à une première aventure de ce type et nous avons beaucoup appris ensemble. Nous ressortons, je crois, fortes de cette expérience et fières qu’il soit aujourd’hui bien accueilli par le public et la critique.

Propos recueillis (par mail) par Christophe Chauville

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