News 25/06/2022

Concours de la jeune critique 2022 : les lauréats des catégories Collège et Lycée

Chaque année, le Festival de Clermont-Ferrand organise le concours de la jeune critique. Partenaires de l’opération, nous publions les textes retenus par les jurés Collège, Lycée professionnel et Lycée d’enseignement général et technologique.

Grand prix de la catégorie CollègeAloès Garcia Damon, du Collège François-Villon à Saint-Dier-d’Auvergne, à propos de Sanpatsu de Kentaro Hirase, Masahiko Sato, Yutaro Seki (photo de bandeau).
 
Coupez !

Le court métrage Sanpatsu (“La coupe de cheveux”) s’ouvre sur une pièce vide, froide, aseptisée, peu propice aux retrouvailles et aux sentiments, qui se révèle être un salon de coiffure installé dans une prison !

En effet, la coiffeuse qui s’occupe d’un garçon d’une douzaine d’années est sous la surveillance d’une gardienne, qui vérifie notamment qu’aucun lien privilégié ne se crée avec les clients.

Le spectateur découvre alors l’histoire et le lien de ces deux personnages, à travers des flash-backs introduits par autant de bruits de ciseaux sur les cheveux : CUT ! Il apprend que le père a lui aussi coupé son fils de sa mère et l’autorise enfin à la retrouver, en l’amenant à la prison.

Dès lors, on comprend le parti-pris du réalisateur qui met ses personnages en scène dans un salon de coiffure, pour jouer sur le double sens (en coiffure et en cinéma) du mot “cut”, et souligner tous les obstacles qui ont conduit à cette rupture mère-fils.

De plus, à travers tous ces flash-backs introduits sans autre transition que le mouvement et le bruit des ciseaux, le réalisateur souligne l’absence de sentiments dévoilés et la brutalité de cette absence de relation où les apparences ordonnent de se “couper” de ses émotions.

Il s’agit donc de l’histoire d’un amour maternel pour un fils qui ne peut reconnaître sa mère. Dans ce contexte, tous deux doivent se contenter d’une histoire décousue, entrecoupée de “cuts” douloureux.

Grand prix de la catégorie Lycée professionnel Ilona Jullien, du Lycée Germaine-Tillion à Thiers, à propos de Titan de Valéry Carnoy (photo ci-dessus).

Le court métrage Titan raconte l’histoire de Nathan, treize ans, prêt à tout pour prouver qu’il est un “dur”, comme son frère, son modèle. Pourtant, nous comprenons rapidement que ce n’est qu’une façade, qu’il n’est qu’un enfant qui aime les boules-à-facettes et porte une grenouillère décorée de ballons de football.

J’ai aimé ce film qui montre ce qu’un jeune est prêt à faire pour impressionner les autres mais qui laisse tomber la carapace une fois retourné dans son foyer, avec ses proches. J’ai apprécié la façon dont le réalisateur, Valéry Carnoy, entretient l’image de “dur“ à travers plusieurs scènes comme celle où l’on voit que Nathan s’est gravé une cible sur le torse, au couteau ! Il prétend qu’il n’a pas souffert et semble fier de l’effet qu’il croit produire. Mais les autres se moquent de lui…

J’ai surtout adoré la manière dont le réalisateur parvient à nous faire ressentir les émotions de Titan. Ainsi, grâce à un plan large et éloigné sur la route qu’emprunte Nathan, seul, humilié par ses échecs, pour rentrer chez lui, et à la caméra qui s’attarde sur le décor rougeoyant sur fond de musique douce et mélancolique, j’ai ressenti son chagrin et sa solitude. De la même manière, la semi-obscurité de la chambre de sa mère où il se réfugie après avoir déposé les armes, rend bien le sentiment de sécurité, d’intimité et de réconfort qu’il a enfin trouvé.

Grand prix de la catégorie Lycée d’enseignement général et technologique : Lucie Maghames du Lycée Ambroise-Brugière de Clermont-Ferrand, à propos d’Un corps brûlant de Lauriane Lagarde (photo ci-dessus).

Le court métrage Un corps brûlant de Lauriane Lagarde nous présente deux jeunes filles qui se fascinent, se cherchent, se séduisent. Étrangement calme, vide même, le cadre pose dès le début une ambiance décalée. Au delà des mots, du langage qui les sépare, de leurs personnalités, Lina et Inès s’aimantent. Tout au long de l’histoire, elles passent d’un extrême à l’autre, du froid (l’hiver, les glaçons, le frigo, les glaces) au chaud (les corps qui transpirent, s’agitent, se tournent autour). Comme si leurs gestes exprimaient ce qu’elles ne peuvent pas se dire.

La bande-son ne contient ni musique, ni bruits de fond, et presque aucun dialogue. Notre trame sonore citadine (cris, klaxons, sirènes…) a disparu et les rues sont dépourvues de leurs occupants habituels en majorité masculins, laissant quelque chose à explorer, conquérir. Les plans rapprochés sur les visages des personnages nous poussent doucement vers l’empathie, et les contre-plongées sur les immeubles montrent, de la part de la réalisatrice, un souhait d’esthétisation des bâtiments ; elle les sort des habituels codes de la beauté architecturale . Tous ces éléments donnent à ce quartier un aspect irréel, à la fois étrange et accueillant.

Quelque chose de remarquable : la réalisatrice fait le parallèle entre les obstacles physiques du parkour que pratique Lina et ceux induits par des constructions sociales, tout de même présentes, qui la font refuser d’embrasser Inès lors de la scène finale. Pourtant, Un corps brûlant nous offre une vision pleine d’espoir et de bienveillance de la société, qui nous parle avec franchise de tabous et de clichés. C’est une facette de la réalité rarement dépeinte.

Les critiques sont aussi à visionner, lues par leurs auteur(e)s, en version vidéo sur le site de l’opération, ainsi que celle des lauréats du Grand prix des catégories Lycée professionnel et “critiques vidéo”.

À lire aussi :

Les critiques primées en 2022 par notre jurys dans la catégorie “section cinéma”.

Les lauréats du concours de la jeune critique 2021.