News 24/06/2022

Concours de la jeune critique 2022 : le choix de Brefcinema

Comme tous les ans, le Festival de Clermont-Ferrand a organisé son concours de la jeune critique. Partenaires de l’opération, nous publions les textes que nous avons choisi de primer dans la catégorie “Section cinéma”.

Grand prix : Alix Waldmann (Terminale option cinéma et audiovisuel au Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), qui a écrit sur le film 9 pasos de Marisa Crespo et Moisés Romera (programme “Terror”, photo ci-dessous).

9 pas est un court métrage espagnol, scénarisé et réalisé par Marisa Crespo et Moisés Romera en 2018. Il raconte l’histoire de Saúl, un garçon de 7 ans qui interrompt le repos de son père chaque nuit car il a une peur irrationnelle de traverser le long et sombre couloir menant à sa salle de bain. Son père, l’incitant à affronter sa peur, à “être un homme”, décide de lui donner une leçon, en le laissant lui-même traverser le couloir dans le noir.

Ce film réussit, grâce à des gros plans sur le personnage et des effets sonores bien placés, à stimuler l’imagination du spectateur et à lui faire ressentir une panique créée de toutes pièces. Il nous introduit dans les sentiments, l’angoisse extrême du personnage. Il nous permet de nous replonger dans l’imaginaire de notre enfance, de revivre cette peur universelle des monstres dans le noir, malgré l’âge qui nous sépare du personnage, et la conscience que ces monstres n’existent pas.

En plus de sa réalisation remarquable, ce film propose une réflexion sur la famille, les relations entre père et fils et l’éducation des enfants. Il permet de mettre au jour des tabous qui perdurent encore dans notre société. Il aborde notamment le sujet de la masculinité toxique, enseignée de père en fils et qui affirme qu’un homme ne doit pas avoir peur, ne doit pas pleurer ou ressentir de sentiments.


2e prix : Marine Gilbert (Terminale option cinéma et audiovisuel au Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), qui a écrit sur le film Son Altesse protocole d’Aurélie Reinhorn (compétitions internationale et nationale, photo de bandeau).

Des nains, des princesses, des tasses, des autruches, des contes de fées, une musique enchanteresse, des rires d’enfants... Il était une fois Wanda et ses débuts dans un parc d’attraction, pas si merveilleux que cela.

Nous découvrons avec elle les coulisses de ce monde enfantin : difficiles.
Le premier plan évoque déjà les prémices de la fiction : un nain fumant par l’œil. Le décalage entre féérie et réalité. La fumée ternit le merveilleux.
Sans jamais sortir des coulisses, nous devinons le parc d’attraction : par les costumes, les couleurs, le son, les cris, la musique incessante du parc, le bruit de la climatisation... Infernal, ne laissant aucun répit, aucun silence. Ils ne font que déguiser la précarité et la souffrance. Les enfants : des bourreaux invisibles.
L’herbe face au béton, apparait comme luxueuse : interdite aux employés, pas à l’âne...

La rudesse des conditions de travail nous est dévoilée, la brutalité des rapports de force. Wanda l’apprend à ses dépens, tente de résister mais finit par se plier aux règles. Se plier, se casser en deux, comme la femme qui interprète l’autruche. Une férocité, une folie du pouvoir chez le manager : « son altesse », lui-même assujetti. Une folie du rire.

Rire omniprésent dans le film ; Irène, prise d’un fou rire, qui devient douloureux, au fil des minutes, dévoile une détresse infinie. Des pleurs, des cris, bien plus que des rires.

Le comique tourné à l’absurde esquisse le drame de manière délicate et impactante, efface les faux-semblants. La fiction d’apparence légère, enfantine et musicale orchestre, finalement, une triste et écrasante réalité.

3e prix (ex-aequo) : Alexia Quairel (Première option cinéma et audiovisuel au Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), qui a écrit sur le film Brazil de Mathilde Élu (carte blanche à Films Grand Huit, photo ci-dessus).

Entre poils et épilateur, le film Brazil de Mathilde Élu nous fait entrer au coeur de l’intimité féminine. Avec un regard humoristique, ce huis clos entre une esthéticienne et sa cliente pose une question : doit-on tout enlever ?

Camille vient se faire épiler définitivement les jambes. Cependant la patronne n’écoute pas sa cliente et se permet de lui faire ce qui lui semble le mieux pour être une “femme” pensant que son statut de professionnelle de la beauté lui donne des droits . Pour elle, être propre c’est de tout raser jusqu’au maillot. On sent que la cliente n’est pas à l’aise et n’ose pas la contredire. Laissée seule un court instant, elle essaie de fuir sans succès, et remet son avenir entre les mains de l’esthéticienne.

Mais les rôles s’inversent, lorsque Camille pose les yeux sur un magazine où une comédienne est en tête d’affiche. Une idée lui vient : se faire passer pour une actrice qui se doit de rester naturelle avec ses divers changements de rôles. C’est alors que l’esthéticienne devient tout de suite à l’écoute et, beaucoup plus aimable, lui demandant même des conseils. A-t-elle trop épilé son maillot en voulant faire comme tout le monde ?  La culpabilité l’envahit, mais le retour en arrière est impossible.

Derrière le plus grand secret des femmes, se cache une interrogation : quelle place la société réserve-t-elle à la pilosité féminine ? Et en voulant suivre la mode, une part de la féminité n’est-elle pas niée ?

 

3e prix (ex-aequo) : Karim Roussel (Première option cinéma et audiovisuel au Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand), qui a écrit sur le film L’huile et le fer de Pierre Schlesser (compétition Labo, photo ci-dessus).

Les mêmes gestes. Toujours les mêmes gestes. Dès le plus jeune âge, il faut apprendre à les exécuter.

Tous les matins, le père part au travail. Il dit qu’il ne faut pas perdre son temps dans des loisirs, sinon, on trouverait moins d’aliments dans son assiette. Certaines fois, le père tient à montrer à son fils son travail, comme lui avait montré son propre père. Ses collègues lui disent qu’il a vieilli, qu’il commence à avoir des difficultés à travailler. Mais il refuse d’arrêter, attendant patiemment sa retraite...

Comment montrer la vie d’un laboureur ? Et ,peut-on échapper à une destinée toute tracée ? Voilà l’objet de L’huile et le Fer, documentaire semi-autobiographique de Pierre Schlesser, présenté en compétition officielle “Labo” 2022. Le cinéaste veut rendre un hommage à son père, brutalement décédé lors d’un accident de travail.

Ce père, absent, renaît à l’écran par le travail et par les gestes de ceux que l’on nomme les “gens de peu” : artisans, agriculteurs, ouvriers – nous découvrons leurs mains usées par le travail. Sans dialogue, le film interpelle le spectateur par ses intertitres, dans lesquels le réalisateur évoque son père et ce travail fatiguant , que lui, le fils, à du fuir pour pouvoir s’émanciper. Mais même si le père est mort, “son fantôme sentira toujours le travail” et, ainsi que l’a dit le cinéaste Éric Caravaca, “Le cinéma, depuis toujours, nous apprend à vivre avec les morts.”

Les critiques sont aussi à visionner, lues par leurs auteur(e)s, en version vidéo sur le site de l’opération.

Lire aussi :

Les critiques primées en 2022 par les jurys des autres catégories (Collège, Lycée professionnel, Lycée d’enseignement général et technologique).

Les lauréats du concours de la jeune critique 2021.