News 16/07/2021

Autour de Minuit a (déjà) 20 ans !

Née officiellement en 2001, la société Autour de Minuit fête donc ses deux décennies d’existence. Elle a aussi reçu récemment le Prix de l’Export d’UniFrance au Festival d’Annecy. Une double occasion pour interroger son fondateur et dirigeant, l’infatigable Nicolas Schmerkin.

Que représente le Prix de l’Export remis au Festival d’Annecy par Unifrance à Autour de Minuit, l’année des 20 ans de la création de la structure ?

C’est, bien évidemment, tout d’abord une joie et un honneur que d’être à nouveau reconnus pour notre travail de diffusion – nous avions déjà été lauréats de la première édition du prix, il y a 7 ans. Autour de Minuit a commencé par la distribution avant même de produire son premier film et c’est une activité qui me tient à cœur, car elle permet de faire circuler les œuvres et de faire connaître les auteurs, en m’obligeant à garder un œil sur la création française et internationale, et ainsi dénicher de nouveaux projets et de nouveaux talents.

Cette année, ce prix est un peu particulier car il récompense notre travail sur l’année 2020 qui a été, du fait du Covid-19, une année très compliquée, ayant entraîné une réorganisation de cette activité au sein de la société…


 
Quel bilan tirez-vous plus généralement du festival pour votre société ?

Le festival a été, malgré un nombre de participants plus faible et majoritairement français, l’occasion de renouer avec des rendez-vous en présentiel, de boire des coups, de retourner voir des films en salle avec des spectateurs, de redonner du potentiel au hasard des rencontres (ce qui s’avère plus compliqué sur Zoom…). Il a été extrêmement positif dans la mesure où nous en sommes repartis avec le Prix Export UniFrance et un prix pour un film distribué (le Prix Canal+ pour Un caillou dans la chaussure d’Éric Montchaud (produit par XBO Films, visuel ci-dessus).

Surtout, nous avons participé à une présentation dans la section “Work in Progress” de notre long métrage en cours de fabrication Unicorn Wars d’Alberto Vazquez. Après 5 ans de développement et de galères de financement, et à 12 mois de sa finition, cette séance, dont le public a ovationné le réalisateur, nous a redonné une dose d’énergie de confiance salutaire pour entamer la dernière ligne droite de la fabrication. La présentation a généré beaucoup de presse positive, en France et à l’international, et confirme l’attente que suscite le projet. Les retombées directes sont que notre vendeur international, Charades, a dans la foulée concrétisé quelques deals intéressants et nous avons obtenu l’aide précieuse d’Eurimages, où il a été question, lors des délibérations du jury, de l’excellent “buzz” du film à Annecy…
 
Le paysage du cinéma d’animation en France a considérablement évolué depuis 2001 : qu’en retiendriez-vous principalement de ces changements et comment vous-êtes vous adaptés ?

Lorsque nous avons commencé nos premiers films hybrides et 3D expérimentaux, au début des années 2000, nous étions quasiment les seuls à le faire, en France et en Europe. Les films tournaient beaucoup dans des programmes ou des festivals spécialisés. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il était sans doute un peu plus difficile de produire ces films à l’époque, mais cela n’a pas énormément changé : l’animation est toujours une sorte de “ghetto” dans les commissions sélectives du CNC et il faut toujours se battre pour réussir à ce que le nombre de films aidés ne baisse pas, alors même qu’il y a depuis plusieurs années une augmentation exponentielle de talents, de projets, et de sociétés de productions spécialisées, sans compter les producteurs de prise de vue réelle qui se mettent également à l’animation.


Decorado, d’Alberto Vazquez (2016).

Les courts métrages français sont toujours au top dans les études UniFrance sur l’export du cinéma français, mais son financement (ou les mentalités et les règles qui le définissent) n’a pas considérablement évolué en 2 décennies, contrairement à certaines Régions qui en ont fait, au contraire un atout et un système vertueux.

Côté technique, en ce qui concerne la 3D notamment, on est passés de la carriole à la Tesla ! Une seconde de film qui mettait plusieurs jours parfois à se calculer sur plusieurs machines se rend aujourd’hui quasiment en temps réel. Cela n’a pas changé les temps de développement et production pour autant, et nous mettons toujours 2 à 3 ans pour produire un court métrage de 12 minutes, et 6 à 7 ans pour une série ou un long métrage. 

En termes de diffusion, le marché a radicalement changé. Les diffuseurs TV étrangers qui achetaient du court ont tous quasiment disparu (tout comme les recettes potentielles qui allaient avec), la diffusion internet est apparue (et une économie digne de ce nom se fait toujours attendre). Les chaînes françaises demeurent une exception, mais jusqu’à quand ? Nous avons vu avec Canal+, soutien historique du court métrage, que rien n’est gravé dans le marbre… Pour ce qui concerne la distribution, alors que nous étions les seuls distributeurs de courts d’animation en France, de nombreuses structures se sont créées et nous nous partageons aujourd’hui un micro-marché dont les canaux se multiplient avec une offre sVOD pléthorique et souvent de niche, mais qui ne génère pas encore de quoi faire vivre tous les acteurs du secteur.

Et les grosses plateformes boudent toujours le court métrage (sauf lorsqu’il s’agit, de manière opportuniste, d’aller chercher un Oscar pour compléter la collection sur la cheminée !). La concurrence est rude, même aux niveaux des festivals, car ce n’est pas seulement le nombre de films produits qui a augmenté au fil des ans, mais aussi leur qualité. Un équilibre délicat pour les producteurs et distributeurs, mais pour le plus grand bonheur des spectateurs…


The Gloaming de NoBrain (2010).

Qu’en est-il de votre activité de distribution, ébranlée par la crise sanitaire depuis un an et demi ?

Notre modèle économique global, très fragile, est basé sur un équilibre précaire entre la productions d’ovnis compliqués à financer (que ce soit des courts, longs ou séries), un studio d’animation où l’on fabrique tous nos films, et l’activité de ventes internationales de formats courts d’animation, souvent expérimentaux. Notre activité de distribution était trop basée sur la diffusion en salle et en festivals. En “mode Covid”, ça n’a forcément plus marché. Pendant 15 mois d’affilés, ce qui rentrait ne couvrait plus les salaires des personnes en charge de cette partie de l’activité, et ce n’étaient pas du côté de la production des courts métrages ou films d’animation pour adultes, sous financés, qu’on pouvait trouver de quoi couvrir le gap de la branche distribution.

C’est donc la mort dans l’âme que j’ai dû me résoudre à prendre des décisions pour aborder différemment cette activité. Avec notamment le recrutement d’une personne expérimentée en ventes TV, qui a la mission de développer et optimiser l’aspect multi-formats de notre catalogue (courts, séries, collections, spéciaux TV, longs, jeunesse et adulte), notamment dans le secteur de la TV et de la VOD, en explorant des marchés français et internationaux où nous ne sommes jamais allée en 20 ans. Cette réorganisation a entraîné le départ d’Annabel Sebag, qui a mené avec passion la diffusion de nos courts métrages pendant 10 ans.


 
Quelles seront les prochaines productions estampillées AdM que l’on pourra découvrir et vos principaux projets confirmés ?

Côté courts métrages, nous avons présenté en première à Annecy le nouveau film de Nieto, Swallow the Universe, un trip psychédélique cosmogonique animalier, où foisonne les trouvailles visuelles, qui est bizarrement son premier film d’animation. Ronde de nuit, de Julien Régnard (visuel de bandeau), un film de genre qui lorgne du côté d’Eyes Wide Shut en coproduction avec le studio belge Squarefish, commencera sa carrière à Vila do Conde.

Nous venons de finir le mixage d’Absence de Marc Hericher, un plan séquence expérimental abordant le regard que les médias et la société portent sur les sans-abris, qui fera sa première française à la rentrée à L’Étrange festival. Manifestation où nous allons d’ailleurs fêter nos 20 ans avec la présence de nombreux films en compétition et un programme spécial pour notre anniversaire. Et la projection en première mondiale du nouveau Panique au village, Les grandes vacances, en séance d’ouverture !

Sur le versant du long métrage, nous terminons début 2022 Unicorn Wars en espérant une sélection dans les gros festivals français qui se tiennent en mai ou juin. Et nous achevons actuellement le développement d’un projet de long métrage, Les ombres, réalisé par Nadia Micault, dont nous avions produit 2 courts (Naïade et Sonata, visuel ci-dessus), d’après la BD de Zabus et Hippolyte, en coproduction avec nos amis belges de Panique.

Et côté TV, nous finalisons à la fin de l’année avec Canal+ un nouveau 26 minutes, Non-Non dans l’espace, ainsi qu’une mini-série ado/adulte : Flippé (20 fois 2 minutes), de Théo Grosjean d’après sa BD L’Homme le plus flippé du monde, en coproduction avec FKLG, la structure de Kyan Khojandi (qui fait la voix principale). Enfin, nous lançons avec Régis Jaulin l’écriture de la Saison 2 de Jean-Michel Super Caribou que diffusera France Télévisions. De quoi remplir nos plannings pour les 5 prochaines années !

Propos recueillis (par mail) par Christophe Chauville


À voir aussi :

- Raymond de Bif, Lila de Broadcast Club et Logorama de H5, productions d’Autour de Minuit à voir sur Brefcinema actuellement.

- Animatic, la chaîne YouTube d’Autour de minuit.


À lire aussi :

- Le palmarès du Festival d’Annecy 2021.