Festivals 05/04/2021

Les vainqueurs de Cinélatino 2021

Personne n’était présent sur place à Toulouse, évidemment, pour la 33e édition de Cinélatino, mais une remise de prix s’est déroulée fin mars avec de nombreux jeunes cinéastes en ligne depuis le Brésil, l’Argentine, le Chili ou la Colombie.

La cérémonie de remise des prix, par les différents jurys de la 33e édition du festival toulousain Cinélatino, s’est déroulée virtuellement fin mars, point d’orgue d’une semaine de diffusions en ligne attestant de la vitalité constante des cinématographies d’Amérique du Sud et centrale, au-delà du contexte difficile dû à la convergence de la pandémie de Covid-19 et d’une agressive crise économique, sociale et politique dans certains territoires.

La compétition de longs métrages comprenait, sur 12 films au total, la moitié de premiers, et des cinéastes passés par le court ont donc été mis en valeur, telle l’Argentine Micaela Gonzalo, dont La chica nueva a remporté le Grand prix Coup de cœur. Cette chronique sociale confirme l’attention portée à Toda mi alegría, présenté à la Berlinale, au sein de la section “Génération”, en 2018. Autre réalisatrice à l’honneur, la Colombienne Diana Montenegro, auteure de quatre courts de fiction ou documentaires depuis 2007 et qui a gagné le Prix SFCC de la critique avec son très beau et féministe El alma quiere volar (soit “L’âme veut voler”, photo ci-dessus). On espère voir ces films parmi les sorties de 2021, même si on pressent la pagaille au niveau de la distribution en salles lors de la réouverture toujours attendue.

La compétition des courts métrages proposait de son côté 16 films, à la fois en fiction ou en documentaire, et son palmarès est dominé par Inabitavel du duo brésilien Matheus Farias/Enock Carvalho (photo ci-dessus), qui associe réalisme et fantastique, un peu à la manière de Qu’importe si les bêtes meurent de Sofia Alaoui, en mettant en scène un événement extra ordinaire survenant alors que l’héroïne cherche à travers la ville sa fille trans Roberta, disparue après une fête. L’introduction de ce film présenté à Sundance en janvier 2021 le situe temporellement, et c’est évidemment intentionnel, “début 2020, juste avant la pandémie”…

Autre lauréat s’attachant également à marier naturalisme et ambiance de genre, Menarca de Lillah Halla (photo de bandeau) affirme sa tonalité féministe combattante, mettant en scène une adolescente dont la vie change – face au monde et face aux hommes – après que les pêcheurs de son village, habités d’un machisme ordinaire, ont piégé dans leurs filets une étrange créature, sorte de sirène dont l’intimité anatomique est dotée de dents acérées réglant leur compte aux potentiels agresseurs… Ce film singulier et volontiers métaphorique avait été labellisé “Semaine de la critique 2020”.

Le Prix Courtoujours a pour sa part été décerné à une production mexicaine elle aussi passée par Sundance, El sueño largo que recuerdo, de Carlos Lenin (photo ci-dessus), qui entraîne à son tour dans les pas d’un personnage féminin fort et déterminé, qui a décidé de quitter son village, contre toutes les mises en garde, afin de tenter de vivre, enfin, et de remplir le vide représenté depuis toujours par l’absence d’un père enlevé par des policiers et jamais réapparu. La violence de la société mexicaine demeure ainsi en toile de fond d’un film poétique et aux superbes cadres – voir le dernier plan, à la manière d’Hopper, quand Tania, incarnée par une intéressante jeune actrice, Paloma Petra, finit par prendre l’autocar qui l’éloignera de ce passé si lourd.

Une mention spéciale de ce jury Courtoujours est allé à Pacifico oscuro de Camila Beltran (photo ci-dessus), bien connue du sérail en France puisque coproduite par Films Grand Huit. Ce film largement musical et également tourné vers les combats des femmes (à savoir “la résistance et la réexistence”) était pour sa part passé par Locarno.

Enfin, le Prix Signis du court métrage documentaire a récompensé le film chilien Quien dice patria dice muerte de Sebastián Quiroz. Le titre signifie “Qui dit patrie, dit mort”, ce qui éclaire le point de vue – engagé, bien sûr – du jeune réalisateur filmant les émeutes populaires de 2019 et des témoignages de citoyen(ne)s dans les rues. Très personnel et inscrit dans l’histoire du pays depuis le coup d’État de 1973, dont le trauma reste vivace, ce film donne envie de s’exclamer en même temps que l’une de ses sexagénaires protagonistes : “Vive le Chili, merde !”.

Christophe Chauville

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