Festivals 16/06/2021

60 ans d’Annecy : souvenirs de cinéastes

En complément aux souvenirs publiés dans la dernière édition de notre revue (ceux de Florence Miailhe, Jean-François Laguionie, Jérémy Clapin, Boris Labbé, Sawako Kabuki et Nienke Deutz), nous vous invitons à en découvrir 5 autres en exclusivité.

Amélie Harrault, réalisatrice de Mademoiselle Kiki et les Montparnos (visuel ci-dessous) :

Annecy 2013, c’est avant tout la première fois que je participais au festival, non plus en tant qu’étudiante, mais en tant que réalisatrice. C’était un tourbillon de rencontres, la chance de pouvoir dire quelques mots à des réalisateurs que j’admirais (et admire toujours !), l’intimidation de voir mon film projeté face à une salle pleine et appréhender les retours du public.

Chaleur, orage, marche, beaucoup de marche, des dizaines d’ampoules aux pieds... Beaucoup de moments partagés avec Céline Devaux qui avait son film de fin d’étude, Raspoutine, en compétition. Et Marco De Blois m’invite avec Alexandre Dubosc et Jérémie Clapin à Montréal pour les Sommets du cinéma de l’animation. Mes productrices m’appellent pour m’annoncer que nous avons eu les aides pour réaliser Les Aventuriers de l’Art moderne. En somme, que d’excellents souvenirs !

Bastien Dupriez, réalisateur de Sillon 672, Aérobie et Sous la canopée (visuel ci-dessous) :

Le premier moment marquant d’Annecy pour moi remonte à la sélection de Sillon 672 en 2015. J’étais très touché de voir de nouveau en compétition officielle de l’abstrait sur grand écran. C’est une bonne chose d’avoir autant de diversité au sein de certaines séances ; c’est peut-être ce qui fait sauter un peu les barrières et qui témoigne de la richesse de l’animation.

En tant que spectateur, c’est une chance de voir et découvrir des films, de se nourrir d’une certaine richesse esthétique et poétique, mais c’est aussi un bon moteur quand on a la chance de rencontrer d’autres réalisateurs ou réalisatrices dont on apprécie beaucoup le travail. Pour moi, ce fut la rencontre avec Steven Woloshen, pape actuel du 35 mm à mes yeux, qui fait preuve d’une rare ingéniosité dans son travail et d’une gentillesse incroyable pour le partager.

Réka Bucsi, réalisatrice de Symphony no. 42, Love (visuel ci-dessous) et Solar Walk :

J’ai été sélectionnée à Annecy avec mon film de fin d’études Symphony no. 42. Je me souviens surtout du paysage sublime, et de tous les gens que j’ai rencontrés là-bas – et que je vois toujours ! J’étais si excitée de voir mon film sur l’écran d’Annecy après être venue en tant qu’étudiante. Il y avait alors une fébrilité de jeunesse qui me manque autant que les moments passés à boire du vin sur les pelouses…

Jonathan Phanhsay-Chamson, réalisateur de Big Boy (visuel ci-dessous) et Les enfants du béton :

Il m’arrive de pleurer mais je n’ai jamais “pleuré de joie”. Au moment de mon premier film, Les enfants du béton, j’étais dans une période pleine de peur et de doute, parce que je ne venais pas du monde du cinéma d’animation. Alors, avoir été sélectionné à Annecy a été une telle reconnaissance que j’ai fondu en larmes, en silence face au mail reçu. Je me suis dit pour la première fois de ma vie que j’allais pouvoir m’en sortir : je réussirais à devenir réalisateur.

C’était un premier pas décisif. Mon premier film parle des banlieues et de l’identité, or c’était un monde que je quittais progressivement. Alors, savoir que ces racines que je rejetais, fut-ce un temps, étaient désormais la base de mon avenir professionnel, m’a beaucoup touché. Grâce à Annecy, j’ai appris à faire confiance en mes capacités artistiques et j’ai eu la preuve que tout cela n’était pas vain…

Daria Kashcheeva, réalisatrice de To Accept et Daughter (visuel ci-dessous) :

Annecy est lié pour moi à une histoire mystérieuse : une histoire de pierres ! Et je crois que mon expérience avec le festival a eu quelque chose d’un peu magique.
En 2018, je suis venue à Annecy pour la première fois, en tant qu’étudiante de troisième année à la FAMU, et j’ai été éblouie par le festival. Un programme tellement riche et inspirant, les événements professionnels, les fêtes, la ville, le lac, les montagnes… J’ai essayé de profiter de tout au maximum, en courant d’une projection à l’autre. Je voulais tout absorber ! À cette époque, je travaillais déjà sur Daughter, j’avais fini le scénario et je préparais les décors. Comme je suis tombée amoureuse du festival, je rêvais de revenir l’année suivante avec mon film…
 
Un jour, pendant le festival, j’ai trouvé un magasin de pierres semi-précieuses dans la vieille ville. J’ai senti que je devais entrer. La vendeuse m’a dit : “Prenez votre temps, détendez-vous, et la bonne pierre vous choisira”. Cela m’a semblé assez mystérieux, mais j’ai choisi trois petites pierres et je les ai achetées. Quand je suis partie, la vendeuse m’a dit : “À l’année prochaine !”. J’ai été si surprise ! Je me suis dit qu’elle lisait dans mes pensées… Je suis retournée au bord du lac avec un sentiment étrange et un large sourire. J’ai fait un petit bracelet avec les trois pierres et je lui ai confié mon désir de revenir avec Daughter.

Pendant le tournage à Prague, qui a été intense et épuisant, je regardais le bracelet, je pensais à Annecy, et je redoublais d’énergie. Et en 2019, Daughter a fait sa première à Annecy… J’en avais tellement rêvé ! C’était merveilleux. Je suis retournée dans le magasin, j’ai acheté des pierres, et la vendeuse m’a dit à nouveau “À l’année prochaine !” Mais cette fois j’ai compris qu’elle avait vu mon accréditation. Ce n’était pas de la magie, elle disait probablement ça à tous ceux qui portaient l’accréditation. Chaque année. Mais cette année-là, j’ai eu la “pierre” la plus importante : le Cristal du meilleur film étudiant. Et maintenant, il projette un rayon arc-en-ciel sur ma table quand je travaille au scénario de mon prochain court métrage.

Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret


Photo de bandeau : Vue de la plateforme du lac au Mifa © Annecy Festival / F. Blin.

À lire aussi :

- Le programme du Festival d’Annecy 2021.

- Interview : Mickaël Marin, directeur du festival.