En salles 03/01/2023

Un probant passage au long pour Guillaume Renusson : Les survivants

Produit par les Films Velvet, le premier long métrage du réalisateur de La nuit, tous les chats sont roses lance la nouvelle année de sorties françaises. Et c’est une réussite, portée par un duo d’interprètes inattendu et convaincant : Denis Ménochet et Zar Amir Ebrahimi.

Quand Samuel, veuf depuis peu, surprend une présence dans son chalet, perdu dans les montagnes des Alpes italiennes où il s’est réfugié, il ne se doute pas encore que sa vie va changer radicalement, et de manière absolument imprévue. Ce n’est pas un rôdeur à qui il a à faire, en ces lieux à l’écart du monde, mais à une jeune femme en fuite, afghane poussée au départ par l’insupportable cruauté du régime des Talibans et cherchant à passer en France.

N’ayant plus rien à perdre, Samuel décide, après un laps d’hésitation compréhensible, d’aider Chehreh, coûte que coûte alors que des militants identitaires, dont la xénophobie ouvre aisément vers une violence déchaînée, entrent en scène – ce qui s’est hélas réellement produit dans les Alpes ces dernières années.

Les survivants, à l’affiche des cinémas à partir du 4 janvier 2023, aurait pu être un film à thèse sur le sort des migrants – ce qui d’ailleurs aurait en soi été possiblement louable – et c’est en fait un film à suspense, lorgnant sur le western (voir même le choix du titre !), que Guillaume Renusson entreprend sur ce postulat, dans des paysages enneigés dignes de Jeremiah Johnson et avec un duo de personnages et d’interprètes charismatiques, exprimant la juste dose d’humanité sur un tel motif.

Denis Ménochet, à nouveau magnifique, confirme s’être installé dans le peloton de tête des acteurs français, tandis que sa partenaire, l’Iranienne exilée Zar Amir Ebrahimi, poursuit sur sa lancée du Prix d’interprétation obtenu au Festival de Cannes 2022 pour Les nuits de Masshad.

Peu importe que le trio de jeunes fachos prenant en chasse le tandem soit un poil caricatural, tant les salauds de cette espèce méritent bien d’être montrés ainsi… Et le “message” ne paralyse pas la forme, qui parvient à son objectif initial de se rapprocher du film de genre, faisant couler le sang sur la neige et mettant à nu des sentiments essentiels et universels.

Une faculté qui semble avoir toujours été présente chez ce jeune réalisateur révélé par un film multiprimé du Mobile Film Festival en 2013, Une minute de silence. En à peine 60 secondes, il dessinait un drame familial surprenant pour le spectateur, pendant une prière d’une famille catholique pieuse en faveur d’un grand-père en fin de vie, perturbée par la terrible révélation d’un jeune garçon malentendant conversant en langue des signes avec son frère. Un peu de pathos, mais une attention portée à la forme et au dispositif, afin de ne pas se voir submergé par l’intention narrative originelle.

Par la suite, Renusson s’attaquait aux dangers du mortifère “jeu du foulard” en vogue dans certains établissements scolaires avec Après les cours (2014), réunissant autour de lui un prometteur aréopage (Noé Bach à l’image, Émilie Noblet au cadre, Alice Isaaz et Bastien Ughetto notamment devant la caméra…). Surtout, La nuit, tous les chats sont roses (2015, photo ci-dessus) scellait déjà une rencontre impromptue, nocturne et changeant la vie de ses protagonistes, à savoir une jeune fille, Alice, et un travesti, baptisé Lola. Pour tous deux, ce contact avec un monde inconnu s’avérait libérateur.

Une thématique aujourd’hui résurgente, sur une modalité certes très différente, avec Les survivants, qui ouvre idéalement l’année 2023 des premiers longs.

Christophe Chauville
 

À voir aussi :

- Denis Ménochet déjà impressionnant dans Avant que de tout perdre, de Xavier Legrand.

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- La passagère : Héloïse Pelloquet du court au long.