En salles 24/08/2021

La terre des hommes à l’affiche : 5 questions à Naël Marandin

Alors que son deuxième long métrage est sorti en salles ce 25 août 2021, le moment était idéal pour nous entretenir avec son réalisateur Naël Marandin, dont Brefcinema propose de redécouvrir l’un des courts ayant précédé : Corps étrangers.

Après votre court Corps étrangers (2007) et un premier long, La marcheuse (2016), vous changez d’univers de fiction avec La terre des hommes. Quelle est la genèse de cette histoire ?
 
L’idée du film est née il y a presque 10 ans, quand je me suis retrouvé par hasard dans un marché aux bestiaux en Bourgogne. J’ai été frappé par le lieu, sa théâtralité, son énergie et j’ai eu envie d’y faire un film. Des trottoirs de Belleville de mon premier film aux pâturages bourguignons, on pourrait croire qu’il y a un saut, pourtant j’ai l’impression de creuser le même sillon dans ces deux films : celui du pouvoir et du désir.
 
J’ai commencé à écrire avant l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo : je voulais faire un film sur le consentement, qui s’inscrive plus largement dans des rapports de pouvoir et de domination. Le marché aux bestiaux s’est imposé comme le cadre métaphorique de l’histoire de mon film : une jeune femme, qui a besoin de l’aide des puissants pour mener à bien le projet qu’elle porte avec son fiancé, et qui va tomber sous l’emprise de celui qui accepte de l’aider.


 
La marcheuse n’avait pas eu le retentissement de La terre des hommes, qui a reçu le Label de la Semaine de la critique 2020. Vous a -t-il tout de même aidé à mener à bien le deuxième long, une étape réputée toujours délicate ?
 
Le deuxième film a été aussi dur que le premier à financer, pas plus, pas moins ! J’ai l’impression que le financement de chaque film est un combat. Par contre, je sens que je maîtrise mieux ce que je veux dire et comment y parvenir. Je me sens plus en confiance.

Avec le recul, qu’avez-vous principalement appris à l’“école du court”, via Corps étrangers, donc, mais aussi Sibylle, réalisé en 2010 ?
 
Je n’ai pas fait d’école de cinéma, donc c’est simple : ces deux courts-métrages m’ont tout appris. Je me souviens que j’ai commencé le tournage de Corps étrangers sans savoir que l’étape du montage-son existait alors qu’aujourd’hui, c’est une étape que j’aime terriblement dans la postproduction du film. J’ai dû tout apprendre.

D’autre part, j’ai rencontré sur ce premier court métrage des collaborateurs avec qui je travaille encore aujourd’hui. J’ai grandi en cinéma avec eux et je leur dois beaucoup.


 
Comment évoqueriez-vous votre travail avec votre chef-opérateur, Noé Bach, sur La terre des hommes ? Comment avez-vous choisi Diane Rouxel et Finnegan Oldfield, bien connu dans le court, pour former le jeune couple du film ?
 
La terre des hommes est ma première collaboration avec Noé Bach. Je l’ai rencontré avec une vision précise de la direction que je voulais prendre pour ce film : des plans séquences, composés, chorégraphiés, en mouvement. Non seulement, j’ai l’impression qu’il a très bien compris mes envies, mais il les a poussées plus loin et en cela notre collaboration a été formidable. En plus de ses indéniables talents de chef-opérateur, Noé a une exigence, une détermination, une énergie dont je me suis nourri.
 
Le personnage de Constance est le premier personnage que j’ai casté. Depuis l’écriture, j’imaginais une jeune femme frêle, pour qu’elle paraisse fragile face aux hommes et aux bêtes, mais avec une détermination sans faille. D’autre part, c’est un personnage plutôt “taiseux” : pas une seule fois dans le film, elle va dire ce qu’elle ressent. Il me fallait donc une comédienne qui porte, remplisse, habite ce silence, qui nous fasse vivre toutes les épreuves qu’elle traverse, sans jamais en parler. Diane Rouxel avait tout cela. Dès nos premières rencontres, je l’ai senti, et notre collaboration n’a fait que le confirmer.
 
Je connaissais le travail de Finnegan Oldfield depuis longtemps, principalement par les courts métrages dans lesquels il a joué. Je ne voulais pas le rencontrer, parce que les rôles dans lequel je l’avais vu étaient très – trop – différents de celui de Bruno dans La terre des hommes. J’ai rencontré beaucoup de comédiens et aucun ne correspondaient à l’image que je me faisais du rôle. Sans y croire, plus par acquis de conscience, j’ai finalement rencontré Finnegan. Et il a complètement changé mon regard sur lui. Il a su trouver ce que je cherchais et s’est imposé.


 
Quelle sera la suite pour vous ? Envisagez-vous de repasser ponctuellement par la case court métrage dans l’avenir ?
 
Je suis en financement de mon prochain film. C’est une nouvelle étape dans mon travail, un pas de côté ; c’est un film sur le vertige, la paranoïa, entre Sous le sable de François Ozon et Take Shelter de Jeff Nichols. Je suis très excité par ce projet.
 
C’est un long métrage, mais je ne réfléchis pas en terme de case, et je travaille d’ailleurs également sur une série. Chaque histoire a sa durée et je n’exclue pas du tout de travailler à nouveau sur des histoires courtes.

Propos recueillis (par mail) par Christophe Chauville


Photos de La terre des hommes : © Diligence Films.

À voir aussi :

- Finnegan Oldfield dans un autre film, Ce n’est pas un film de cow-boys de Benjamin Parent, actuellement sur Brefcinema.

À lire aussi :

- La terre des hommes, intégré à la sélection “hors les murs” de la Semaine de la critique 2020.