En salles 12/12/2019

Il fait encore beau pour Valérie Donzelli...

Son nouveau et cinquième long métrage, “Notre dame”, sera en salles à partir du 18 décembre. L’occasion de rencontrer celle qui a commencé par le court, à la fois en tant qu’actrice et comme réalisatrice : la multi-talents Valérie Donzelli.

Un peu plus de dix ans séparent Il fait beau dans la plus belle ville du monde, votre premier court métrage, et Notre dame, mais on y retrouve une même dimension de chant d’amour à Paris…

Ce qui est certain, c’est que Notre dame clôt un cycle, commencé effectivement avec Il fait beau dans la plus belle ville du monde, qui était ma première réalisation. J’y apparaissais enceinte et il se finissait autour d’un autre monument, les colonnes de Buren ; je pense donc que Notre dame raconte un peu la fin de toute cette période et il y a pas mal de points communs entre les deux films. C’est comme si l’héroïne avait un peu grandi, même si elle s’appelle Maud Crayon à la place d’Adèle – à l’époque, je voulais m’appeler Adèle à chaque fois dans mes films, mais dans La guerre est déclarée, mon personnage était une Juliette afin de jouer sur l’idée de Roméo et Juliette et je n’ai pas continué sur cette idée de toujours porter le même prénom… Mais ces personnages, qui sont assez candides, se ressemblent toujours.

Au stade de l’écriture, justement, il y a tout un background autour des histoires précédentes et des rôles que vous avez interprétés vous-même : ont-ils une influence ?

Oui, et même parfois de façon inconsciente, par exemple quand l’histoire de la grossesse est arrivée dans Notre dame, je ne me suis pas dit que cela faisait écho à Il fait beau dans la plus belle ville du monde… C’est en fait après coup que les choses se reconnectent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans l'intervalle, la “plus belle ville du monde” a beaucoup changé, avec les événements dramatiques de 2015, puis l’incendie de Notre-Dame…

Oui, c’est aussi ce que je voulais raconter dans Notre dame : le Paris d’Il fait beau n’est plus le même. Je pense d’ailleurs que le titre de ce court métrage était alors, sur ce point, empreint de merveilleux, il avait quelque chose de très positif et de très majestueux, et je pense qu’il n’est plus possible aujourd’hui de le dire comme ça. Il ne fait plus aussi beau dans la plus belle ville du monde…

Vous teniez néanmoins à demeurer sur un registre de fantaisie, de comédie, avec des séquences musicales ou chorégraphiées…

Oui, mais en tenant compte de la réalité politique et sociale du pays, en toile de fond et sans en se lancer dans quelque chose de trop appuyé. Maud est concernée, comme n’importe quel citoyen, par ce qui se passe ; ce n’est pas quelqu’un qui regarderait les choses d’en haut… Avec son regard volontiers poétique, elle est confrontée à ces problèmes-là : elle a peur pour elle, de ne pas s’en sortir, de se retrouver dans la précarité, et je pense que quand c’est le cas, on hésite à prendre des décisions, à couper des liens, alors on s’arrange avec la vérité et avec le quotidien.

Et il est vrai qu’à l’inverse, Il fait beau dans la plus belle ville du monde ou La reine des pommes sont des films davantage liés à une forme d’insouciance dans le quotidien. Dans Notre dame, c’est autre chose, parce que Maud a deux grands enfants et en attend un troisième, donc elle doit vraiment se tenir “à la verticale”, elle a de vraies responsabilités.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après Serge Bozon jadis, vous filmez cette fois un trio masculin aussi étonnant que détonnant avec des acteurs – Pierre Deladonchamps, Thomas Scimeca et Bouli Lanners – issus de familles différentes…

Oui, j’aime surprendre à ce propos, mais sans chercher à faire de “coup de production” : je n’ai pas besoin d’acteurs susceptibles de ramener des entrées en plus, ça ne m’intéresse pas. En revanche, j’aime travailler mon casting dans le sens d’une originalité, et amener certains comédiens où on n’a pas forcément eu l’habitude de les voir. À l’époque d’Il fait beau dans la plus belle ville du monde, Serge Bozon tournait peu et je l’ai pris parce qu’il est un peu comme ça dans la vie : j’aime bien prendre des gens pour ce qu’ils sont et utiliser leur nature.

Ainsi cohabitent dans le film le côté assez tendre du personnage de Bouli Lanners et le registre un peu plus fou – plus “Chiens de Navarre”… – de Thomas Scimeca !

Oui, c’était l’idée ! Thomas, je l’ai choisi en connaissant son rapport au corps et à la nudité, car je voulais quelqu’un pour qui cela ne poserait aucun problème d’être nu à l’écran, qui aurait une aisance par rapport à cela. Et c’est ce qui fait que c’est si drôle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce qui est original, aussi, dans votre parcours, c’est que vous êtes revenue au format court, entre deux longs métrages, avec Le cinéma de maman en 2018 notamment. Quelle en a été la raison ? 

Après Marguerite et Julien, j’avais fait en 2016 un court métrage pour l’Opéra de Paris et 3e scène, Suivez donc la mesure, puis un petit film documentaire pour une exposition de photos pour Anne-Dominique Toussaint. Ces expériences ont été extrêmement agréables, par rapport à la responsabilité de faire un long métrage, qui est parfois lourde. 

Et puis, Arte m’avait proposé depuis longtemps de faire un film pour Square Artiste et je n’avais jamais eu le temps. On m’a relancée et je me suis dit que c’était le moment de le faire et j’ai eu envie de raconter cette histoire. Le cinéma de maman est un film qui s’est donc fait de manière un peu accidentelle, mais que j’aime énormément.

La forme documentaire est quelque chose qui m’a infiniment plu, alors que je ne l’avais encore jamais abordée. J’aime l’idée de pouvoir m’adonner à des formes différentes de cinéma, j’ai des envies de “tout petits films”, je ne suis pas attachée à un registre en particulier. Et j’aimerais bien faire aussi de la mise en scène de théâtre à l’avenir…

Propos recueillis par Christophe Chauville,
retranscris avec la collaboration d'Axel Vaussourd

 


À voir :

- La vie parisienne, de Vincent Dietschy, sur une idée originale de Valérie Donzelli.

À lire aussi :

- Une critique d'un autre film avec Thomas Scimeca, Hédi et Sarah de Yoann Manca.

Photos : © Rectangle Productions / France 2 Cinéma / Scope Pictures / Les Films de Françoise.