En salles 23/01/2023

Alain Ughetto sort un nouveau bijou d’animation en salles

Distingué du Prix du jury au Festival d’Annecy l’année dernière, Interdit aux chiens et aux Italiens est distribué par Gebeka Films à partir de ce mercredi 25 janvier. L’histoire, en stop-motion, de la famille du réalisateur et plus généralement de l’immigration transalpine en France.

Voilà déjà presque dix ans que Jasmine, son premier long métrage est sorti au cinéma. C’était déjà en animation bien sûr, de la part de celui qui avait reçu en 1985 le César du court métrage dans cette catégorie avec La boule. Et c’est avec un film tout aussi personnel, sinon plus encore, qu’Alain Ughetto se rappelle à notre bon souvenir, après avoir travaillé durant neuf années sur ce nouveau film.

Interdit aux chiens et aux Italiens, pour sa part primé en 2022 au Festival d’Annecy et aux European Film Awards, retrace l’histoire de ses propres grands-parents, originaires du Piémont et venus en France, chassés par la pauvreté et les violences fascistes dans les années 1920. À travers Luigi et Cesira, c’est en fait toute cette immigration, finalement pas très bien connue, qui est mise en exergue, en un geste artistique très émouvant où le réalisateur imagine un dialogue avec sa grand-mère disparue (morte alors qu’il avait douze ans), afin de lui poser toutes les questions qui ne l’ont pas forcément été et retracer un destin familial à qui il convenait de redonner toute sa grandeur.

La technique de l’animation en volumes, avec ces petites figurines aux grands yeux incroyablement attachantes – Cesira mesure en réalité 23 cm ! – donne beaucoup de vie à cette grande aventure en forme de saga et le réalisateur, attaché au côté artisanal et même “bricolé” de son art, n’hésite pas à faire irruption dans le champ, via sa main – quelle symbolique ! – ce qui donne un surcroît d’incarnation à cette plongée émotionnellement inouïe vers son passé familial…

On ne mesure pas combien put être dure, il y a cent ans et plus, l’arrivée de ces voisins si proches. Le titre du film, terrifiant, est d’ailleurs lié à une réalité et ce court long métrage d’une heure dix en saisit toute la complexité, y compris en regard avec les discours politique, d’hier et d’aujourd’hui. À ce propos, c’est Ariane Ascaride, elle-même d’origine italienne et toujours aussi engagée, qui prête sa voix à Cesira, donnant un dynamisme supplémentaire au récit, qui bénéficie en outre d’une composition musicale enlevée signée Nicola Piovani, excusez du peu…

Alain Ughetto assume vouloir faire œuvre de mémoire et on aimerait en effet que les Ciotti, Mariani ou Bardella se rendent compte de ce que leurs ancêtres vécurent jadis, tandis qu’ils étaient précisément des migrants venus de lointains et considérés comme difficilement “conciliables” avec une prétendue identité nationale. En tout cas, après La traversée de Florence Miailhe en 2021, ce motif inépuisable inspire avec bonheur les grands noms du cinéma d’animation hexagonal, on ne peut que s’en réjouir. 

Christophe Chauville

À lire aussi :

- Une rencontre avec Alain Ughetto, au Carrefour du cinéma d’animation 2021.

- Interdit aux chiens et aux Italiens primé aux EFA 2022.