En salles 25/02/2019

À propos de “Wardi” : rencontre avec Pierre-Luc Granjon

Découvert au Festival d’Annecy 2018, le long métrage franco-suédo-norvégien “Wardi”, de Mats Grorud, arrive dans les cinémas cette semaine. La supervision de l’animation en volumes a été assurée par Pierre-Luc Granjon, un nom familier dans l’univers du court métrage. Ce dernier a pour l’occasion accepté de répondre à nos questions.

On vous connaît bien, évidemment, en tant que réalisateur, mais moins comme technicien sur des films d’autres cinéastes d’animation : quelle est votre expérience à cet égard et qu’est-ce qui vous pousse à accepter de travailler sur l’œuvre d’un autre auteur ?

Il m’arrive régulièrement d’animer sur des courts métrages que je ne réalise pas, comme Le génie de la boîte de raviolis de Claude Barras, Les escargots de Joseph de Sophie Roze, La petite casserole d’Anatole d’Éric Montchaud, Le renard minuscule d’Aline Quertain et Sylwia Szkiladz , Le petit bonhomme de poche d’Ana Chubinidze, etc. Et c’est toujours un plaisir et un enseignement enrichissant, aussi bien technique qu’artistique, d’entrer dans l’univers d’une autre personne. 

On me demande aussi parfois de collaborer à des scénarios – ZibillaNeigeLe refuge de l’écureuil et d’autres encore au stade de projet – ou d’être l’œil extérieur nécessaire à toute écriture, et c’est là aussi un travail que j’apprécie. Il y a moins de pression qu’en tant qu‘auteur/réalisateur, et tenter de comprendre ce à quoi veut aboutir l’auteur principal, et le pousser dans ce sens, est toujours passionnant – et parfois éprouvant !

Concernant Wardi, plus précisément, en quoi le projet vous a-t’il attiré ?

Avant tout pour son sujet. Aborder le conflit israélo-palestinien du point de vue des réfugiés, dans un camp à Beyrouth, n’était pas évident et Mats Grorud s’en sort très bien. J’ai l’impression qu’il a su éviter d’attiser les conflits tout en montrant clairement une situation inacceptable.

Et puis c’était aussi la première fois qu’on me demandait d’être assistant réalisateur sur un long métrage, et c’était un joli défi pour moi et pour toute l’équipe avec qui je travaille, depuis de nombreuses années, sur des projets plus courts.
 

Vous y avez supervisé l’animation des marionnettes, pouvez-vous nous préciser leur taille et leurs caractéristiques, le temps qu’il a fallu pour mettre en boîte ces séquences, des spécificités éventuelles par rapport à d’autres animations de volume que vous avez pu prendre en charge par le passé (L’hiver de Léon) ?

Les marionnettes faisaient entre 20 et 30 centimètres et étaient composées en mousse de latex (pour le corps), en silicone (les mains), en résine (les visages et les pieds) et en armature de fil d’aluminium. Sourcils et bouches étaient aimantés. Contrairement aux 4 saisons de Léon, où les vêtements étaient moulés, les personnages étaient ici vêtus de réels petits habits en tissu. Le tournage de la partie en stop-motion a duré cinq mois, avec quatre animateurs qui devaient mettre en boîte entre six et sept secondes de film par jour chacun.

Simultanément au tournage, toute la partie 2D du film se fabriquait au même endroit, à Foliascope, ce qui a beaucoup simplifié la fabrication du film

Que pensez-vous de l'union désormais fertile entre animation et documentaire ou fiction inspirée du réel, éventuellement grave ou même tragique ? Est-ce une voie que vous aimeriez emprunter un jour à votre tour ?

L’animation semble apporter une dimension supplémentaire au documentaire, comme si le fait de transposer la réalité en 2D, en 3D ou en stop-motion permettait d’enrichir le film, d’en rendre le sujet plus fort, plus percutant. Je ne me l’explique pas vraiment, mais c’est peut-être dû aux mitraillages d’images réelles auxquelles nous sommes chaque jour confrontés. L’image animée semble ainsi revaloriser un sujet déjà souvent traité, le différencier de la masse d’images existantes.

Je ne pense pas pour ma part faire de documentaires animés, du moins pour l’instant ; j’aime trop la fiction et j’ai l’impression d’avoir encore beaucoup de sujets à traiter, de souvenirs et de sensations dans lesquels plonger pour écrire mes futurs scénarios. Mais je ne me ferme pas, car le documentaire animé est passionnant et si je trouve le sujet adéquat et qui soulèverait suffisamment de motivation en moi, alors, après tout, pourquoi pas?

Quels sont vos prochains projets, personnels ou en collaboration ?

J’ai depuis plusieurs années un projet de long métrage intitulé maintenant Owen et la forêt des loups, produit par Foliascope (la première version du scénario s’appelait L’armée des lapins). Nous en sommes à la recherche de financements, nous avons deux coproducteurs – Panique ! et Nadasdy –, un distributeur, Gébéka, mais il nous manque encore une télé française. 

En parallèle, nous travaillons avec Antoine Lanciaux à l’écriture de son projet de long métrage, Le secret des mésanges, produit par Folimage. Et depuis que j’ai eu la chance d’y être initié, j’ai vraiment très envie d’écrire un court métrage pour l’écran d’épingles d’Alexeïeff et Parker.

Propos recueillis par Christophe Chauville
Remerciements à Claire Viroulaud, Mathilde Cellier et Anne-Capucine Blot