En salles 28/11/2021

Maman pleut des cordes en salles : rencontre avec Hugo de Faucompret

Après une diffusion sur Canal+ et le Prix du jury spécial TV obtenu au Festival d’Annecy, ce court métrage signé Hugo de Faucompret arrive cette semaine au cinéma au sein d’un programme comprenant trois autres films à destination du jeune public.

Sur un format de 26 minutes, Maman pleut des cordes met en scène Jeanne, 8 ans, qui est obligée d’aller passer les vacances de Noël chez sa grand-mère, pendant que sa maman va en maison de repos pour soigner sa dépression. Nous avons rencontré le réalisateur du film, Hugo de Faucompret, déjà auteur d’Automne dans la série “En sortant de l’école” consacrée à Guillaume Apollinaire.
 
Comment est venue l’idée de traiter du motif de la dépression dans un film pour enfants ?
 
J’ai l’impression que les projets nous choisissent plutôt que l’inverse… J’avais plein d’idées différentes, et c’est celle-ci qui s’est imposée. La dépression est un sujet qui me touche, car elle est très présente, notamment dans les familles. Par ailleurs, au-delà de la dépression profonde en tant que maladie, on connait tous des coups de mou, des vagues descendantes et montantes, moi le premier. J’avais envie d’en parler aux enfants, car cela peut être déstabilisant pour eux. Ils ne comprennent pas toujours ce qui se passe, mais ils sont parfaitement conscients que quelque chose ne va pas. Ce rapport parent/enfant spécifique m’intéressait.


 
Qu’est-ce que cela impliquait en termes de scénario mais aussi de choix esthétiques ?
 
Disons que nous avions la chance de faire le film en animation, et le dessin en lui-même apporte déjà un filtre, quel que soit le sujet. À l’écriture, cela impliquait d’être vraiment attentif. Avec ma co-scénariste Lison d’Andréa, nous avons marché sur un fil pendant tout le processus. D’un côté, il y avait le risque de tomber dans le larmoyant et le mélodrame si nous appuyions trop sur la dépression, et de l’autre celui de faire comme si celle-ci n’était pas grave. Il fallait trouver le juste milieu, en choisissant l’angle des petites solutions de la vie, plutôt que de s’apitoyer dessus. C’était tout l’enjeu de l’écriture.
 
Le récit reste dans une forme de réalisme magique très ténu, jamais explicite… 
 
C’est un autre fil sur lequel nous avons marché, entre réalisme et fantastique. Par exemple, dans la séquence finale, on ne voit jamais Cloclo dans les airs. Je voulais que les spectateurs se demandent s’il vole ou non, pour que le doute persiste. C’est aussi pour cela qu’il change sans cesse de taille. Le fantastique est une manière de retranscrire l’aspect un peu fluctuant du regard de Jeanne sur lui. Parce que Cloclo est effectivement une sorte de magicien, ou d’ogre déchu. C’est comme le dernier témoin d’un univers de conte qui a du mal à subsister. J’avais envie de rester sur cet entre-deux, comme pour la dépression. J’avais comme référence Tokyo Godfathers de Satoshi Kon (2003). C’est un film très réaliste, mais dans lequel les personnages se déforment par moments, et qui a un finale qui tire vraiment vers le merveilleux. Il y a également plein de choses chez Grimault ou Miyazaki qui jouent avec le réalisme magique, et ça a bercé mon enfance, tout comme Claude Ponti, qui est à la fois réaliste et barré.


 
Le film laisse également une très grande place à la nature, comme c’était déjà le cas dans vos courts métrages précédents. 
 
J’aime bien montrer une nature assez grandiose avec de petits personnages qui font leur vie au milieu. Ça impulse beaucoup la mise en scène. Par ailleurs, on parle beaucoup d’environnement en ce moment. Je trouve important de mettre l’accent sur ce qui nous entoure et de nous remettre nous, humains, à notre place : c’est-à-dire pas en gros plan. C’est comme le male gaze, qui est un regard spécifique sur les personnages. Là c’est une autre manière de nous positionner. Pas comme des conquérants. Je me pose souvent la question de la place qu’on occupe. Et elle se pose d’autant plus quand on fait des films car on est responsable de ce que l’on montre.
 
En se reconnectant avec la nature, Jeanne s’ouvre aux autres et se reconnecte avec sa vie.
 
Nous voulions faire passer cette idée de reconnexion, à commencer par le volet familial. L’idée de se recentrer sur des choses simples : partager un repas qu’on a préparé, écouter ce qui nous entoure, faire de la musique – même très simple – à plusieurs…
 
Cela a aussi induit les choix esthétiques, notamment les décors faits à la main, sur papier ?
 
Nous avons utilisé les mêmes peintures que Ghibli ! Je suis allé au Japon en 2014 et j’ai rencontré Satoshi Kuroda, qui est décorateur et parfois directeur artistique sur les films du studio. Il a notamment travaillé sur Kiki la petite sorcière et sur Princesse Mononoké. Il m’a dressé la liste du matériel qu’ils utilisent là-bas : pinceau, peinture, papier… Et les marques japonaises ont accepté de nous fournir leurs produits et même de nous sponsoriser. Je ne suis pas un défenseur des traditions, mais le plaisir de faire les choses compte, et je trouve plus de plaisir à dessiner sur le papier que sur Photoshop. Ça impose une autre concentration, parce qu’on ne peut pas annuler ce qu’on fait. Mais pour moi c’est une forme de méditation. Ça m’apaise.

Propos recueillis par Marie-Pauline Mollaret

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