En salles 19/12/2022

Du court au long, Héloïse Pelloquet revient à Noirmoutier avec La passagère

En racontant l’histoire d’amour passionnée entre une femme marin-pêcheur et son jeune apprenti, Héloïse Pelloquet signe un premier long métrage sensible et lumineux dans la droite ligne de son œuvre en courts. En salles à partir du 28 décembre prochain.

Il est toujours un peu émouvant de voir une cinéaste dont on a aimé les courts métrages réussir son passage au long sans se renier, et même en tissant avec ses premiers films un dialogue, une filiation, un lien ténu mais indélébile qui tient autant de la variation que de l’approfondissement. Avec La passagère (photos de bandeau et ci-dessous), Héloïse Pelloquet revient sur ses terres d’origine, l’île de Noirmoutier, déjà au centre des œuvres précédentes.

Le territoire et le contexte géographique y ont toujours la même importance, centrale, qui ancre à la fois un récit et des personnages : la haute mer pour L’âge des sirènes, le port puis les marais pour Côté cœur, la plage pour Comme une grande. Avec en plus, ici, l’idée de l’île en tant que lieu isolé et austère qui répond à ses propres codes, à la fois refuge et piège potentiel.

La mer, et plus particulièrement le milieu des marins pêcheurs, est un des motifs qui infusent le cinéma de la réalisatrice. Son héroïne, Chiara, a épousé un pêcheur, et avec lui les tâches physiques et lourdes que son travail implique. Ils forment ensemble un couple heureux, soudé et complice, mais peut-être pas si bien assorti qu’il n’y paraît. Héloïse Pelloquet filme les gens au travail, leurs tâches concrètes, leurs gestes précis. La caméra est avec eux, assurée, physique elle-aussi, embarquant le spectateur et l’intrigue en pleine mer, faisant ressentir le vent, les vagues qui se lèvent, la lourdeur des casiers et la fatigue hébétée mais enivrante de cette lutte constante avec les éléments.

En nous immergeant dans ce milieu spécifique, loin des clichés, la réalisatrice parle aussi de transmission et de passion. La fierté du mari de Chiara, lorsqu’il initie leur nouvel apprenti Maxence, fait ainsi écho à celle – communicative – du patron de Mattis dans L’âge des sirènes (photo ci-dessous).

Mais chez la réalisatrice, la recherche d’une certaine forme de vérité se teinte toujours d’un contrepoint  romanesque, et La passagère n’y fait pas exception, qui est avant tout l’histoire d’une passion, et d’une femme qui s’autorise à vivre pleinement cette passion. On retrouve également l’idée d’une rencontre entre deux mondes distincts (Chiara et Maxence viennent à la fois de milieux sociaux éloignés et de générations différentes), comme pouvait l’annoncer celle entre Marilyne la (jeune) fille du coin et Ludovic le touriste plus âgé dans Côté cœur, ou l’attirance qu’éprouve par deux fois un personnage incarné par Mattis Durand pour des jeunes femmes plus âgées et venant d’ailleurs : la cousine qui veut devenir comédienne dans Comme une grande (photo ci-dessous), la collègue du port dans L’âge des sirènes. Il y a en germe, dans ces situations, le coup de foudre – sincère et irrépressible – qu’éprouve Maxence pour Chiara.

Au jeu des correspondances, il faut d’ailleurs s’attarder aussi sur les comédiens qui reviennent de film en film, tels que Mattis Durand, donc, et Jean-Pierre Couton, le patron de L’âge des sirènes, et le meilleur ami dans La passagère. Mais si l’œuvre d’Héloïse Pelloquet n’avait qu’un visage, ce serait celui d’Imane Laurence, cette adolescente devenue jeune femme qui a grandi avec ses films, depuis le premier court métrage réalisé à la Fémis en 2014 jusqu’au rôle d’Océane, la petite amie “officielle” de Maxence dans le long métrage, et dont l’énergie et la vitalité ont durablement inspiré la réalisatrice.

On a d’ailleurs l’intuition qu’il y a quelque chose de cette spontanéité, plus mature mais tout aussi lumineuse, dans le personnage de Chiara interprété par Cécile de France. Car si le sujet de La passagère peut au premier abord sembler classique, c’est aussi par sa manière de caractériser et filmer son héroïne, une femme libre et déterminée, qui existe par et pour elle-même, qu’Héloïse Pelloquet transcende son récit.

Marie-Pauline Mollaret

À voir aussi :

- Côté cœur, disponible en ligne actuellement sur Brefcinema.

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