DVD 28/05/2023

La “ligne” claire d’Ursula Meier

Sorti assez discrètement en tout début d’année, le dernier long métrage signé Ursula Meier, La ligne, est disponible en DVD, donc à rattraper de toute urgence.

Cinéaste franco-suisse, formée jadis à l’Insas en Belgique, Ursula Meier poursuit un parcours important, quoique plus discret ces dernières années, dans le cinéma européen. L’enfant d’en haut, présenté au Festival de Berlin (avec un Ours d’argent à la clé), date en effet d’une décennie déjà et c’est avec La ligne que la réalisatrice effectue son grand retour, quoiqu’elle ne se soit en vérité jamais vraiment éclipsée, comme put notamment en témoigner, pour celles et ceux qui eurent l’occasion de le voir, Journal de ma tête. Ce film d’une heure dix s’inscrivait en 2018 dans une collection en quatre épisodes pour la télévision suisse, Ondes de choc, et lui permettait de retrouver Kacey Mottet Klein, son acteur fétiche, à qui elle avait consacré un superbe documentaire court en 2014, Kacey Mottet Klein, naissance d’un acteur.

Avec La ligne, Ursula Meier creuse son sillon, retrouvant un coin d’Helvétie qu’elle connaît bien, les paysages évoquant directement ceux de L’enfant d’en haut, entre (petite) ville et montagnes. L’histoire de la famille dysfonctionnelle mise en scène, dont la fille aînée s’en est prise à sa mère physiquement et très violemment, fait écho à celle de Home, premier long métrage de 2008 où l’enfermement et l’asphyxie devenait réels, concrets, monstrueux.

Et certains éléments narratifs renvoient encore plus loin, la fameuse ligne du titre, tracée à la peinture bleue et que ne peut franchir Margaret après la décision de justice l’éloignant de sa mère est une trouvaille aussi insolite que le terrain de foot bosselé du moyen métrage Des heures sans sommeil, en 1997, lui aussi placé sous l’ombre d’une relation complexe à un parent, un père taciturne pour le coup, donc aux antipodes de la personnalité de la volubile Christina.

La ligne empoigne la thématique – périlleuse – de la violence familiale d’emblée, à travers une scène plutôt audacieuse mêlant ralentis et musique classique (le hiératique Nisi dominus de Vivaldi), rappelant la grande styliste qu’est cette admiratrice avouée de Jane Campion, qui a trouvé en Stéphanie Blanchoud une interlocutrice idéale, intervenant ici comme co-scénariste et actrice, mais aussi comme chanteuse, puisqu’elle l’est aussi dans la vie et cette dimension s’intègre au film pour nourrir la narration et offrir une voie possible de rédemption. Margaret, fille d’une pianiste virtuose à la vocation contrariée, devenue toxique (un rôle taillé pour Valeria Bruni Tedeschi, donc), accompagne à la guitare sa très pieuse petite sœur répétant ses cantiques (!) et revenant sur scène grâce à un ex-partenaire bienveillant, incarné par Benjamin Biolay.

Ce dernier a, outre ce second rôle devant la caméra, composé un très beau titre original pour le film, intitulé Le passé et interprété en duo, qui fait aussi l’objet d’un clip inclus en bonus. En plus d’un entretien avec Ursula Meier et Stéphanie Blanchoud, aussi net et limpide qu’une “ligne” claire tracée dans la neige.

Christophe Chauville

La ligne d’Ursula Meier, DVD et BR, Diaphana Vidéo, 19,99 euros.
Disponible depuis le 16 mai 2023.

À lire aussi :

- Un autre court métrage d’Ursula Meier, également proposé sur Brefcinema par le passé : Tous à table.

- Un autre film sorti début 2023 disponible en DVD : Les survivants de Guillaume Renusson.