En salles 24/01/2017

Un premier long et un cinéaste qui comptent (déjà)

"Compte tes blessures" de Morgan Simon sort en salles cette semaine, c’est d’évidence une très belle réussite et le court métrage "American Football" sera très bientôt en ligne sur notre site.

Impossible de contester à Morgan Simon la cohérence de son début de carrière, tant Compte tes blessures, son premier long métrage (présenté au festival Premiers plans d'Angers en même temps qu’il débarque dans les cinémas), puise ses forces vives directement dans certains de ses courts métrages. Le début du film ressemble d’ailleurs comme un frère à celui d’Essaie de mourir jeune, explosant l’oreille alors que le jeune héros, prénommé Vincent à chaque fois, hurle un morceau de rock hardcore en concert.

Les cousinages ne s’arrêtent pas là, loin s’en faut, autour de ce personnage de jeune musicien “piercé” et tatoué campé dans le long par Kévin Azaïs et dans le court par Julien Krug, l’un des comédiens-fétiches du réalisateur (également présent dans Compte tes blessures en autre membre du groupe Seven Days Diary). Surtout, un duo père/fils conditionne toute la narration, Nathan Willcocks, acteur assez génial découvert par Simon dès ses premiers exercices de la Fémis, campant ce père encore jeune, maladroit et parfois agressif envers son rejeton trop vite grandi, avec qui les relations sont invariablement tumultueuses.

Court et long permettent d’ailleurs de mettre en reflet deux séquences jumelles de climax, autour d’un motif de triolisme inédit au cinéma, même chez des trublions tels que Larry Clark (on entr'aperçoit au mur une affiche de Ken Park à un moment) ou Gregg Araki. Dans Essaie de mourir jeune, Vincent rencontre dans un bar une prof d’allemand qui lui propose d’aller chez elle, juste à côté ; Hervé s’incruste et une fois les ébats initiés, c’est Vincent qui est éjecté, se retrouvant délaissé et furieux. Dans Compte tes blessures, le schéma inverse se produit au gré d’une scène déjà anthologique et dont l’intensité tient paradoxalement à sa grande simplicité, la fiancée d’Hervé faisant le choix de se détourner de lui pour s’offrir à ce fils si méprisé…

Les tensions familiales toujours prêtes à craquer et les figures volontiers marginales de jeunes gens en mal d’amour rapprochant aussi évidemment ce cinéma de celui de Xavier Dolan, il n’est aucunement fortuit que la Julia de Compte tes blessures soit interprétée par Monia Chokri, icône des Amours imaginaires.

La rencontre amoureuse d’American Football, dont l'imagerie oscille entre trash et fleur bleue, s’en ressent également, même si la vitalité de ce cinéma débordant de jeunesse et d’hormones se suffit à lui-même, sans s’alourdir d’un excès de références. Avec Morgan Simon, la vie déborde du cadre, et même dans Réveiller les morts, où l’apparition, d’ailleurs plutôt grotesque, de la mère décédée de frangins joués par Azaïs et Krug, éclate finalement en mille morceaux en même temps qu’une jatte de cristal pleine du liquide servant de médium. On préfère nettement la veine “tattoo, hardcore & sex”, qui fait à la fois de Compte tes blessures un aboutissement et un tonitruant départ.

Christophe Chauville

Filmographie courts métrages de Morgan Simon

Mama, The Christmas Tree is Burning ! (2009, 11 min 30)
Goose (Les oies sauvages) (2011, 15 min)
American Football (2012, 25 min)
Essaie de mourir jeune (2014, 20 min)
Réveiller les morts (2015, 12 min)