En salles 08/03/2017

Un chef-d’œuvre du burlesque

Il est toujours bon de revenir aux fondamentaux, dit-on dans d’autres domaines. Pour le cinéma également, et la restauration en 4K des "Fiancées en folie" de Buster Keaton se pose là...

Cette réalisation de 1925, au cœur d'une période incroyablement faste (Sherlock Junior et La croisière du Navigator datent de l'année précédente) a fait l'objet d'une restauration de la Cinémathèque de Bologne et a été notamment présenté au festival Lumière de Lyon l'automne dernier. Splendor Films invite à redécouvrir cette semaine ces époustouflantes 56 minutes (donc de ce qui était un long métrage par rapport aux critères de l'époque) où s'épanouit un génie à l'œuvre. On pourrait multiplier les exemples de trouvailles imparables et si drôles dans Seven Chances, titre original de l'aventure. James doit se marier dans la journée, avant sept heures du soir, pour pouvoir hériter d'une somme rondelette et il cherche une possible “proie” ; les jeunes femmes se succèdent sur son chemi, mais le malheureux se prend vent sur vent, rigolant ainsi encore moins qu'à d'ordinaire... À un moment donné, il aperçoit une cliente qui s'ennuie à la mezzanine d'un restaurant, il lui lance un billet avec une phrase de demande en mariage écrite dessus, le plan suivant le cadre recevant une pluie de confettis déchirés sur la tête, la fille est restée hors champ, il n'y a rien à ajoûter !

Mis en scène brillammment, le film suit en outre un crescendo dans l'agitation, la dernière partie étant absolument trépidante, sans aucun répit, avec cette fameuse poursuite des prétendantes en robe blanche courant après le petit homme dans les rues, pour des plans impressionnants dans leur utilisation de la profondeur de champ (qu'on admire aussi dans les scènes de l'église, alors que l'homme au canotier est endormi sur un banc, au premier plan, donc dissimulé aux regards de celles qui entrent dans la nef).

Cette précieuse réédition effectue un grand écart dans la carrière de Keaton, ce qui n'est pas sans provoquer une certaine émotion, puisque Les fiancées... se voit accompagné d'un moyen métrage tourné un an seulement avant sa disparition, en 1965. Dans The Railrodder de Gerard Patterton, on retrouve cette légende du muet tout aussi silencieuse, mais au visage vieilli, forcément, et à la silhouette un peu arrondie, ce qui ne l'empêche pas de se mouvoir avec grâce et poésie dans un voyage à travers le continent nord-américain, d'un océan à l'autre, sur un petit trolley de chemin de fer. 

Un documentaire canadien contemporain, Avec Buster Keaton de John Spotton, complète ce focus au cinéma Le Desperado à Paris, ainsi que dans d'autres salles de périphérie parisienne et en province.

Christophe Chauville