En salles 23/08/2017

Sous le ciel rouge d’Indochine

La rentrée est déjà là en matière d’actu cinéma et le premier long métrage d’Olivier Lorelle, "Ciel rouge", fait partie des sorties de la semaine.

Plus que des deux courts métrages qu’il a réalisés, Ciel rouge est à relier a priori davantage à une partie importante de l’activité de scénariste d’Olivier Lorelle, entamée au cours des années 1990. Sa collaboration suivie avec Rachid Bouchareb, sur Indigènes et Hors la loi notamment, l’a entraîné dans les méandres de l’histoire de la France du vingtième siècle, et principalement sur son versant colonial – on peut d’ailleurs ajouter à ce champ thématique le scénario de Vivre au paradis (1999), coécrit avec son réalisateur Bourlem Guerdjou. En 2014, Lorelle collaborait à l’écriture du téléfilm Soldat blanc d’Érick Zonca, qui se déroulait en Indochine à la fin de l’année 1945. Ciel rouge s’enracine sur la même terre dans les mois qui suivent, tandis que la guerre a éclaté et que l’armée française est engagée dans un long processus qui aboutira au désastre de Dien Bien Phû, en 1954. Les films sur le sujet, plutôt rares, s’attachent en majeure partie à cette époque de fin du conflit, l’originalité de Ciel rouge est donc d’emblée évidente, puisque l’issue est encore lointaine – et incertaine – alors que les prisonniers vietnamiens sont torturés avec la même barbare inhumanité que les résistants par les nazis seulement quelques mois auparavant.

C’est ainsi qu’un jeune engagé, Philippe, rencontrant la farouche Thi, choisit de déserter et de partir avec elle dans la jungle où, peu à peu, une histoire d’amour passionnée naît et fait basculer les idéaux du garçon encore idéaliste. Lorelle ose le mélange du romanesque et du film de guerre, aspire à faire surgir une beauté primitive, celle d’un amour “interdit” en milieu hostile, avec le lyrisme d’un Malick dans La ligne rouge. Il filme la jungle caméra à l’épaule, comme il jouait avec le paysage de son court métrage La vase, métaphore de la situation personnelle d’une mère dépassée jouée par Lucia Sanchez et qui s’y enlisait... Dans l’écrin touffu de verdure, Philippe et Thi s’aiment, provisoirement seuls au monde, nus parfois, pour une relation physique intense rappelant celle qui liait, avec une dose d’humour en plus, Jocelyne Desverchère et Philippe Rebbot dans Avec un grand A. Des rats dévorés par le chat du voisin décuplaient le désir de l’amoureuse et l’incertitude de se sortir du piège anime cette fois les amants du Vietnam. Que trouveront-ils au bout du chemin : la découverte de soi, un regard nouveau sur le monde, la mort ? La question est universelle et ne manque pas d’ambition, particulièrement pour un premier long métrage.

Christophe Chauville

Filmographie courts métrages d'Olivier Lorelle
La vase (2000, 28 min)
Avec un grand A (2005, 23 min)