En salles 17/05/2017

Le centre du monde (pendant dix jours)

Le tapis rouge de Cannes va attirer à partir d’aujourd’hui tous les regards et un documentaire distribué par Destiny Films sort en salles sur ce grand Barnum annuel, observé selon des angles particuliers et insolites, parfois révélateurs.

Le goût du tapis rouge, d'Olivier Servais, présente un format qui peut apparaître quelque peu bancal, son heure treize en faisant plus qu'un cinquante-deux minutes standard, mais on se demande aussi, au générique de fin, pourquoi le film n'adopte pas une durée un poil plus longue, tant il devait d'évidence y avoir une matière supplémentaire suffisante pour achever l'exploration de l'autre face du plus grand festival de cinéma de la planète. Le postulat du réalisateur est en effet de ne pas montrer, justement, la fameuse montée des marches, ni les stars, ni même les organisateurs, en deux mots il entend “zapper” au maximum l'aristocratie festivalière pour mieux s'intéresser aux festivaliers lambdas, aux courageux sans-grades, aux badauds, aux artistes de rue, aux commerçants de la ville, à tous ces locaux qui travaillent ou ceux qui se pressent devant le palais toute la journée, depuis le petit matin, pour avoir la “chance” d'apercevoir le quart de profil de dos d'une célébrité présumée.

Cette comédie humaine souvent drôle est aussi parfois glaçante, quand surgit un sommet de superficialité (voir ces adolescentes extatiques d'avoir croisé la vedette de leurs rêves, en fait une quelconque “cagole” d'une obscure émission de télé-réalité de la TNT...). Une géographie de certaines frontières sociales se dessine peu à peu et le mythe en prend un coup, ce qui est plutôt salutaire, même si l'énergie unique qui électrise la Croisette durant dix jours est bien restituée. Ceux qui n'ont jamais expérimenté de se plonger dans cette atmosphère folle et épuisante apprécieront tout de même aisément d'adopter ce regard posé sur les coulisses et les à-côtés, très concrets et parfois terre-à-terre. Car il y a peu de doute que tout le monde, même pour de discutables raisons, l'a potentiellement, ce goût du tapis rouge...

Christophe Chauville