En salles 15/03/2017

La chair et le sang

Cette semaine est celle de la sortie au cinéma de l’un des films français dont on a le plus parlé ces derniers mois : "Grave", de Julia Ducournau.

Rares sont les premiers longs métrages parvenant sur les écrans précédés d’une telle réputation… De prétendus malaises et évanouissements dans certains festivals, ainsi que la présence d’une personnalité très médiatisée parmi les producteurs du film – Julie Gayet – ont fait monter l’attente autour de cette œuvre pour laquelle l’intérêt était de toute façon suscité par le court métrage qui l’avait précédé en 2011 : Junior. Sélectionnée alors à Cannes par la Semaine de la critique, cette variation autour de l’adolescence et ses bouleversements, tant physiologiques que psychologiques, apparaissait moderne et plutôt gonflée, allant lorgner du côté du cinéma fantastique, sinon horrifique, et même vers les préoccupations du Cronenberg première période, autour des liquides corporels, des peaux qui tombent en lambeaux, des plaies qui suintent.

La métaphore était finalement percutante du passage d’un âge à l’autre, de l’entrée littérale dans une seconde peau, avec force détails peu ragoutants et manifestant un esprit de sale gosse finalement salutaire, entre peau boutonneuse, appareil dentaire pas très propre et “gastro” carabinée...

Fille – traumatisée ? – de dermatologue, Julia Ducournau n’en avait pas fini avec le motif, entraînant sa jeune actrice de Junior, Garance Marillier, dans une nouvelle aventure. La gamine, toujours prénommée Justine, a bien grandi. Elle a encore une sœur aînée et la retrouve d’ailleurs, après avoir eu le bac, en première année d'études vétérinaires. Après l’installation en cité U, en coloc avec un copain gay qui ne la laissera finalement pas indifférente, place surtout à une phase de bizutage sévère et son cortège d’humiliations crypto-fascistes d’un autre temps. La psyché de l’étudiante perturbée se traduira d’abord sur sa peau, à nouveau, avant que le film prenne la forme d’un crescendo sanglant et parfois franchement gore, où l’expression d’une malédiction se substitue à la symbolique du film précédent, ce que l’on pourra regretter. Au-delà du spectaculaire brio narratif et même plastique, on doute finalement de l’intention, l’audace se faisant dans Grave un peu artificielle. Une demi-réussite, donc, mais un territoire désormais ouvert, qui demeurait jusqu’alors presque vierge au sein du cinéma hexagonal.

Christophe Chauville

Le site du film ici.