En salles 18/06/2017

Jeune fille en désordre : "Ava" de Léa Mysius

"Ava", premier long métrage de Léa Mysius, arrive dans les salles le jour de l’été. De quoi revenir sur le déjà riche parcours de cette ancienne étudiante en vue de la Fémis.

Principale sensation de la dernière Semaine de la critique, le premier long métrage de Léa Mysius affirme une personnalité déjà plus que remarquée à travers trois courts successifs, qui mettaient tous en scène de jeunes adolescents – ou plus précisément une fillette en ce qui concerne Cadavre exquis. Diplômée en 2014 du département “scénario” de la Fémis, la jeune Bordelaise de vingt-huit ans confirme l’excellence de la filière, à la suite de Julia Ducournau, Céline Sciamma, Rebecca Zlotowski, Thomas Cailley, Élie Wajeman ou encore Morgan Simon, également très vite passés à leur premier long, dont l’écriture s’est déployée au sein même de l’école.
Les liens possibles sont multiples entre Ava et les œuvres qui l’ont précédé, en premier lieu l’âge de sa jeune protagoniste et son apprentissage de la sensualité, présents dans L’île jaune, comme ce temps de vacance(s) qui voit ces ados à peine sortis de l’enfance se lancer dans une grande aventure s’apparentant vite à une fugue.

À chaque fois, un garçon en marge sert de révélateur : celui de L’île jaune avait le visage cabossé, celui d’Avaest un jeune gitan renié par son clan pour faits de délinquance... On pourrait citer aussi l’exploration du rapport au corps, poussée au maximum dans Cadavre exquis, où la petite Maëlys fait la très étrange découverte, dans les bois, d’une jeune fille sans vie. La gamine fascinée gardait le corps dénudé, le cachait et s’en occupait ingénument, détachée de toute obsession morbide. Dans Ava, si un horizon mortifère se profile pour l’héroïne, c’est qu’elle apprend sa prochaine perte de la vue. Le thème de l’obscurité, éminemment cinématographique, impulse dès lors son destin, avec cette envie de vivre pleinement, d’expérimenter les choses tant qu’il en est encore temps. La sexualité en est évidemment une voie possible, la présence d’un chien loup aussi attirant qu’inquiétant prenant présence symbolique dans Les oiseaux-tonnerre comme dans Ava.

D’autres convergences naturelles pourraient être dessinées, la collaboration renouvelée avec Paul Guilhaume, chef-opérateur et coscénariste rencontré à la Fémis en étant l’une des plus signifiantes : l’éclat solaire de ces “films de vacances” recèle une face cachée à explorer en profondeur. Voir ce premier plan d’Ava photographiant une plage aquitaine à la manière interrogative d’un Martin Parr, suggérant tout ce qui pourrait apparaître au verso de la paisible carte postale...

Christophe Chauville

Filmographie courts métrages de Léa Mysius

Tout le plaisir était pour toi (2012, 7 min)
Cadavre exquis (2012, 25 min)
Les oiseaux-tonnerre (2014, 22 min)
La créature (co-réalisé avec Paul Guilhaume, 2015, 8 min)
L'île jaune (co-réalisé avec Paul Guilhaume, 2015, 30 min)