En salles 18/06/2017

Éloge du anti-héros

Passage du court au long pour Guilhem Amesland à travers "Des plans sur la comète" et ses deux losers attachants de frangins, aux visages plutôt familiers... Au cinéma à partir du mercredi 21 juin.

On avait, il y a quelques années, diagnostiqué dans Bref la multiplication de films – aussi bien courts que longs – mettant en scène de “gentils losers” trentenaires. Ces films avaient souvent en commun d’employer Vincent Macaigne, acteur excellant dans ledit registre (auquel on ne saurait toutefois le réduire), entre tendresse, fragilité et humour gentiment dépressif.

Dans la lignée de ses courts métrages Moonlight Lover et Chez RamziDes plans sur la comète, le premier long de Guilhem Amesland, creuse un tel sillon, avec ses deux frangins cabossés, combinards attendrissants, incarnés par Philippe Rebbot (que l’on se réjouit de voir, après tant de seconds rôles, au premier plan) et… l’incontournable Macaigne.

Guilhem Amesland avait d’ailleurs déjà filmé ce dernier dans Moonlight Lover, comédie douce-amère mettant en scène deux copains vivant de petits boulots, de petits travaux, comme le font Michel et Franck dans Des plans sur la comète. Dans Moonlight Lover, comme plus tard dans Chez Ramzi, ces personnages un rien englués et précaires se projetaient dans un avenir meilleur, rêvassaient à des conquêtes amoureuses ou sexuelles. Films performatifs où la parole, l’évocation de possibles, remplaçaient les actes réels, remisés à plus tard.

C’est bien là ce qui distingue précisément Des plans sur la comète de ses prédécesseurs : les mecs y rencontrent bel et bien des filles, les draguent (maladroitement), les aiment et agissent enfin, quitte à faire éclater la confortable bulle d’insouciance dans laquelle ils s’étaient installés jusqu’alors.

À la sympathique indolence des courts métrages succède un film où les dialogues crépitent, où les deux acteurs, rejoints par Suzanne Clément et Hafsia Herzi pas en reste, poussent volontiers les curseurs du jeu dans le rouge, héritage de la comédie italienne revendiqué par le réalisateur.

Par ailleurs assistant-réalisateur sur des films aussi importants que Tonnerre de Guillaume Brac ou La fille du 14 juillet d’Antonin Peretjatko, Guilhem Amesland avait pourtant révélé une autre facette de sa personnalité avec Demain peut-être, son premier court métrage écrit – dans le cadre d’une collection de Canal+ “Écrire pour un chanteur” – en l’occurrence pour Oxmo Puccino. Proche du Houellebecq d’Extension du domaine de la lutte, ce court métrage étrange dressait le portrait glaçant d’un architecte à qui tout réussissait mais se révélant, derrière la surface, tout aussi largué que les gentils anti-héros auxquels le cinéaste s’attacherait ensuite.

Stéphane Kahn

Filmographie courts métrages de Guilhem Amesland
Demain peut-être (2008, 12 min)
Moonlight Lover (2010, 27 min)
Chez Ramzi (2015, 19 min)