En salles 09/06/2017

Des “petites sorties” à ne pas dédaigner...

Une quinzaine de sorties et de reprises cette semaine, parmi lesquelles trois films de femmes, peu médiatisés, ne nous intéressent pas moins...

En 1998-99, Stina Werenfels éblouissait les festivals de court métrage internationaux avec son décapant Pastry, Pain & Politics (en France, on le vit à Clermont-Ferrand et à Pantin, avant d'en parler dans Bref) avant d'être quelque peu perdue de vue, du moins hors des frontières helvétiques (elle vit et travaille à Zurich), son premier long métrage, Nachbeben (2006), ne sortant pas chez nous. Aujourd'hui, cette réalisatrice volontiers engagée invite à découvrir, à travers Dora ou les névroses sexuelles de nos parents, une adaptation théâtrale (d'une pièce signée Lukas Barfüss) mettant en scène une jeune handicapée mentale de dix-huit ans couvée par papa/maman et qui, titillée par sa libido, se donne à un inconnu sans scrupule qui en fait sa docile maîtresse et la met enceinte en s'en lavant les mains... La thématique ne manque pas d'audaces et la réalisatrice affronte avec tact ce qui pourrait s'avérer scabreux ou caricatural (même l'amant cynique montrera finalement un peu plus d'humanité). Elle peut compter avant tout sur la performance étonnante de son actrice Victoria Schulz, qui ose se coltiner la représentation, jamais évidente, du retard mental avec modestie et conviction à la fois, mais aussi pas mal de sensualité, ce qui est tout de même une sacrée gageure.

Le film n'est à l'affiche que de deux salles à Paris (le Lucernaire et l'Archipel), ce que l'on peut regretter comme c'est souvent le cas sur les cinématographies jugées non “prioritaires”. Même confiiguration, du reste, avec Les lauriers-roses rouges, un premier long métrage d'une réalisatrice du Bangladesh, Rubaiyat Hossain, qui ouvre une fenêtre inédite sur une société méconnue, une comédienne dans la trentaine étant considérée comme trop âgée pour certains rôles et tentant de vivre selon ses aspirations et désirs dans un contexte en pleine mutation, à l'image des rues de la capitale du pays, Dacca. Ce portait de femme en affirmation de soi est aussi la première distribution de la société Contre-champs, fondée par Hélène Kessous et Némésis Srour. Le tandem entend se spécialiser dans les cinémas d'Asie du sud, on ne peut que leur souhaiter la meilleure des fortunes, ce premier film sorti par leurs soins étant visible cette semaine, donc, à La Clef et au Saint-André-des-Arts.

C'est aussi dans cette salle mythique du Quartier latin qu'est projeté chaque jour à 13h (sauf le mardi) et en présence de sa réalisatrice Caroline Jules, le moyen métrage Tourments d'amour, qui s'inscrit dans le cadre des “Découvertes du Saint-André”. Lors d'un déjeuner familial dans le jardin de la maison de famille, sous le soleil de la Guadeloupe, deux sœurs, Vanessa et Myriam, et leur père, fragilisés par des drames et incompréhensions intimes, s'affrontent peu à peu en un hui-clos en plein air qui ne manque ni d'intensité ni de sensibilité. L'orage menace et le trio de comédiens, tous inconnus, est parfaitement à son avantage. Le film sera à l'affiche durant deux semaines, jusqu'au 21 juin.

Christophe Chauville