En salles 27/06/2017

Bienvenue à la Bonheur Académie

Deuxième long métrage du tandem Alain Della Negra/Kaori Kinoshita, "Bonheur Académie", en salles à partir du 28 juin, est une proposition cinématographique aussi atypique que fascinante.

Kaori Kinoshita, née à Tokyo, et Alain Della Negra se sont rencontrés au Studio national des arts contemporains du Fresnoy. Depuis, ils signent la plupart de leurs films ensemble, explorant, du court métrage à leur premier long (The Cat, the Reverend and the Slave, sorti en 2010), des univers de faux-semblants, d’avatars et d’utopies virtuelles ou communautaires.

Délaissant les univers de jeux vidéos (“Les Sims”, “Second Life”) arpentés trois films durant, le duo poursuit, depuis How Much Rain to Make a Rainbow (visible en ligne sur notre site à partir du 28 juin), son exploration de mondes alternatifs en s’intéressant désormais plus particulièrement à des communautés réelles, néo-hippies ou… sectaires. Les acteurs plongent dans les rituels du lieu, du groupe, suivent des règles dépassant celles édictées par les cinéastes. Dès lors, la fiction, souvent ténue, se nourrit d’un réel biaisé, modelé à hauteur de fantasmes.

Bonheur Académie, deuxième long métrage, fascine ainsi par son incursion au sein d’une université d’été de la secte de Raël. Quatre comédiens (dont Laure Calamy, encore une fois formidable, ou le cinéaste Benoit Forgeard) se prêtant à une expérience hors du commun où il s’agira pour eux, au gré des activités, des “ateliers”, de jouer des rôles, de tester les contours de leur personnalité, de se prêter à diverses mises en scène, tout à la fois acteurs d’un film et participants au rassemblement. Les frontières du réel s’érodent jusqu’au vertige quand les cinéastes malicieux font jouer à un Arnaud Fleurent-Didier tout en autodérision son propre rôle de “chanteur à succès”. Ni documentaire ni fiction, tout en étant les deux à la fois, Bonheur Académie est un film qui – c’est toute sa richesse – se nourrit de son ambiguïté, d’un positionnement délicat, toujours sur le fil.

Mais d’un projet à l’autre, ne s’agirait-il pas finalement toujours de plonger des hommes et des femmes dans des univers construits de toutes pièces ou, à l’inverse, de les saisir tels qu’ils en sortent, une fois transformés ? Qu’il s’agisse de réalité virtuelle, d’avatars prenant le pas sur les personnalités réelles, ou de mythologies de science-fiction modelées par un inventif gourou, l’interrogation liminaire en ressortant est peut-être bien la même, questionnant sereinement la possibilité du bonheur via l’affranchissement progressif du monde alentour…

Stéphane Kahn

 

Filmographie d'Alain Della Negra et Kaori Kinoshita

Dropping Out (Alain Della Negra seul, 2001, 17 min)
Chitra Party (Alain Della Negra seul, 2002, 37 min)
Neighborood (2005, 17 min)
Newborns (2007, 20 min)
La tanière (2008, 29 min)
The Cat, the Reverend and the Slave (2009, 1h19)
How Much Rain to Make a Rainbow (2015, 23 min)