En salles 22/02/2017

À la conquête de Pigalle

Une vingtaine de sorties cette semaine, dont un premier long métrage qui fleure bon le pavé parisien, entièrement tourné dans l’un des quartiers les plus mondialement illustres de la capitale.

Membre de La Rumeur, référence incontestée du rap français contemporain (le groupe fut fondé en 1995), Hamé réussit, pour son coup d’essai au cinéma, à voir son court métrage Ce chemin devant moi sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes. C’était en 2012 et c’est alors que germa l’idée du long métrage dont on pouvait se douter qu’il se profilerait plus ou moins vite. Le désir d’Hamé, rejoint par son complice Ékoué à la réalisation de ce nouveau projet, tournait autour d’un portrait du Pigalle contemporain, à la fois éternel dans son imagerie folklorique et en pleine mutation socio-économique. Les artistes étant eux-mêmes originaires du XVIIIe arrondissement, on ne saurait leur reprocher de ne pas connaître ce quartier, véritable générateur de fantasmes. Il y a une atmosphère de crépuscule dans le film du tandem, où un âge révolu n’en finit pas de mourir – celui des voyous et de la vie nocturne, des bars à hôtesses et des combines variées.

Le personnage principal, Nas, vient de sortir de prison et ronge son frein, en période de probation, dans le bistrot de son frère aîné Arezki, à deux pas du Moulin-Rouge. Il aimerait pourtant faire passer cette petite affaire à une vitesse supérieure, rêvant de se faire une place au soleil, ce que le titre initial du projet, Mon nom à Pigalle, traduisait directement. Le choix de celui des Derniers Parisiens précipite davantage la nostalgie d’un monde qui disparaît : le chemin n’est plus devant soi, mais bien derrière, en un sens, pour les deux frères devisant enfin paisiblement, dans la dernière séquence du film, après s’être littéralement déchirés.

À travers le duo Reda Kateb/Slimane Dazi s’instaure une continuité avec le film précédent, même si leur lien n’était alors pas fraternel, mais suivait une rencontre de hasard sauvant sans doute le délinquant en sursis (déjà !) en une nuit d’émeutes urbaines enflammant une cité de banlieue parisienne. Nasser était cette fois l’aîné et entendait protéger son cadet malgré la défiance de sa mère, honteuse de la voie qu’il avait empruntée. La sur-dramatisation de l’écriture s’est, d’un format à l’autre, sensiblement policée, la mélancolie dominant au bout du compte la nerveuse agitation des derniers Parisiens plongés dans une constante urgence.

Christophe Chauville

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