DVD 18/03/2017

Un bébé à cinquante ans

L’édition DVD du "Petit locataire", premier long métrage de Nadège Loiseau, propose en bonus le court qui l’a directement précédé, "Le locataire". Mais pas question de parler de carte de visite ou de brouillon : ce sont deux films à part entière, comme nous l’a expliqué leur réalisatrice.

Quel a été votre itinéraire avant la double aventure du Locataire et du Petit locataire ?

J’ai eu un parcours un peu sinueux, qui date d'une enfance pendant laquelle j’étais hyperactive et partagée entre trois grandes passions : le dessin, le théâtre et la gymnastique. L’avantage avec la gymnastique, c’est qu’à un moment c’est le corps qui fait le choix de s'arrêter ! Après le bac, j’ai fait des études d’arts appliqués à Roubaix tout en montant un atelier de théâtre pour adolescents. Je suis arrivée à Paris après mes études pour être directrice artistique en agence de pub. J’ai vite compris que ce n’était pas totalement ma place... En revanche, c’est en faisant travailler des réalisateurs/trices (Xavier Giannoli et Zabou Breitman, entre autres) sur mes scripts que j’ai pris conscience que c’était là que je voulais être : sur un plateau.
E
t soudain tout devenait logique : la direction artistique, celle des acteurs, celle d’une équipe. J’ai profité d’un licenciement abusif pour me lancer et écrire, filmer, interpréter, monter un premier court métrage entièrement fait à la maison avec une copine (Une femme parfaite), grâce auquel on a pu convaincre une productrice de publicité de nous représenter. Le chemin a été long, j’ai commencé par tourner des "tags" – les cinq secondes après les pubs qui disent “et en ce moment, existe en goût exotique !" – mais pour moi c’était déjà énorme, j’étais à Hollywood tout en étant à Stains ! Et puis, projet après projet, j’ai réussi à réaliser des publicités plus ambitieuses (de carrément trente secondes...) et d’autres projets plus personnels. J’ai appris la "technique" ainsi.

C’est lors d’une première grossesse que la nécessité d’écrire s’est imposée. Mais c’était une écriture très personnelle, entre le roman sans fin et le journal intime. Il a fallu encore quelques années pour que j’ose écrire une vraie fiction et que je dépasse mon complexe de légitimité. J’ai écrit le scénario du Locataire pour la Collection de Canal+, ils l'ont refusé et je l'ai envoyée, dépitée, à deux productions avec l’énergie du désespoir. Les Films du Worso m’ont rappelé très vite, on s’est vu et plu ! On a gagné le prix du public sur lecture du scénario au festival Premiers plans d’Angers et c’était parti...


Selon vous, que dit au fond sur notre monde le motif d’une grossesse survenant d’une certaine façon anormalement tard et comment avez-vous abordé ce phénomène concrètement ?

Le film n’est pas un film sur la grossesse tardive telle qu’on la connaît dans notre société, justement. Elle n’est pour Nicole ni désirée, ni provoquée par de longs traitements. c’était justement ce qui m’intéressait dans cette histoire. prendre le contre-pied, en faire un prétexte pour parler des femmes, de la famille, de la filiation. Mon moteur, ce n’était pas tant la grossesse tardive que la femme de cinquante ans, ce qui est rare au cinéma, me semble-t-il...

Aviez-vous déjà l’idée d’en faire un long métrage au moment de concrétiser le film en court ?

Je me souviens de la première chose que m’ont dit mes producteurs lors de notre première rencontre sur le scénario du court métrage : "C’est bien, mais ça commence comme un long métrage." Moi, j’ai pris ça pour un compliment alors qu’en fait, c’était une façon polie de me dire qu’il fallait que je réécrive en pensant vraiment histoire courte ! Ce que j’ai fait, mais finalement le court faisait 28 minutes, ce qui était déjà trop long.
J’aimais trop mes personnages pour m'en séparer sans leur laisser la possibilité de se développer. En revanche, je suis ravie d’être passée d'abord par le court métrage, c’est un laboratoire sans équivalent. 
 

A-t-il été délicat de tourner des scènes similaires, jusque dans certaines répliques clés, avec d’autres comédiens ? Ce changement total de casting est-il lié à certaines exigences de financement du projet ?

Oui et non. Disons qu’il m’a été très douloureux de me séparer du casting du court parce que j’aurais adoré embarquer tout le monde avec moi. Mais il s’est passé trois longues années entre le court et le long, les personnages ont changé, les acteurs et mon écriture aussi. Au fur et à mesure de l’écriture, Karin Viard s’est imposée dans mon esprit. Son tempo infusait celui de Nicole, ou inversement... Et évidemment, si Karin acceptait de faire le film, le montage financier du film en était facilité. Mais ça n’était pas mon raisonnement. Je la voulais pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle apporterait au film. Et si le personnage de Nicole changeait, tout le monde devat changer.
Ensuite, retourner des scènes avec de nouveaux acteurs me conférait un réel sentiment de nouveauté. Une mise en danger, aussi. Bien sûr, certaines répliques étaient "indéboulonnables", mais, finalement, j'étais la seule à le savoir, car aucun des acteurs du long n’avait vu le court. Je les voulais vierges, on avait un film à créer, pas à refaire.

Après ces films étroitement liés à la maternité, vers quoi aimeriez-vous vous tourner ?

Un péplum évidemment ! Non, je ne sais pas encore très clairement. Faire un premier film, c’est une aventure dingue, il faut un peu de temps pour digérer tout ça... Un peu comme après un premier enfant ! J’ai dépassé le stade du baby blues et déjà l’envie de la suite pointe son nez. Si ma vie de réalisatrice ressemble à ma vie de mère, sachez que pour ma deuxième grossesse j’ai eu des jumelles ! Je ne suis pas à l’abri de travailler sur deux projets en même temps ! Et pourquoi pas refaire un court ?
 

Propos recueillis par Christophe Chauville

 

 

Le petit locataire de Nadège Loiseau, DVD et Blu-ray, Diaphana Édition Vidéo, 14,99 ou 16,99 euros.
Disponible à partir du 21 mars 2017.

Photos : © Les Films du Worso / © Elias Sfaxi.