DVD 08/06/2017

Baffes et coups de bâton

Retour sur l’indispensable coffret de 4 DVD intitulé "Kings of Comedy", paru chez Lobster.

Le mot slapstick, qui désigne le burlesque hollywoodien est composé de deux mots qui signifient respectivement “baffe” (slap) et “bâton” (stick). Avec ce cinéma, nous ne sommes pas loin du cirque, du guignol, de la commedia dell’arte, de ces arts populaires où ce n’est pas la vraisemblance qui prime, mais l’action, l’accumulation des péripéties et la complicité avec le spectateur. Ce régime de représentation a été l’objet d’une production pléthorique de courts métrages ; ces DVD réunis en coffret sous le titre Kings of Comedy en propose un bel échantillon.

Si le vaudeville y constitue sans aucun doute la lame de fond – combien d’hommes éconduits, de jaloux frustrés, de jeunes femmes amoureuses que les parents veulent marier à un autre, de quiproquos à tiroirs –, ce sont les situations délirantes qu’elles occasionnent qui ont toujours séduit en priorité ses admirateurs. L’une, récurrente, immerge le personnage principal dans le milieu du cinéma. Le principe a plusieurs avantages. Nul besoin de construire des décors ni d’envisager des déplacements et, moins qu’ailleurs, la crédibilité n’est de mise puisque la fiction tire sa substance d’une instabilité permanente entre l’illusion et la réalité. Charlot s’immisce sur le tournage d’une scène en voulant sauver la femme agressée (A Film Johnnie, 1914). Dans Mabel’s Dramatic Career (1913), Mack retrouve au cinéma, dans un film projeté, la jeune cuisinière qu’il aimait et tire sur l’écran pour la sauver d’un mauvais pas. La jeune femme, amoureuse d’un réalisateur, dit au riche banquier auquel ses parents l’ont promise qu’elle l’épousera quand il sera une vedette. Ce point de départ de The Stunt Man (1927) est prétexte à multiplier les cascades les plus improbables et prouver les inégalables souplesse et résistance de Larry Semon (Zigoto en français).

On réalise que la convention du slapstick s’est poursuivie longtemps. Alors que La croisière du Navigator,
de Buster Keaton et Les rapaces, d’Erich von Stroheim datent de 1924, dans Super-Hooper-Dyne Lizzies, de 1925, un inventeur illuminé, récupère, comme énergie pour les automobiles, l’air chaud gaspillé des discours radio et provoque la ruine du roi du pétrole en inventant une manière de faire se mouvoir les voitures à distance, sans conducteur, par des ondes électriques. Cela provoque bien évidemment des catastrophes en chaîne, mais sonne étrangement avec ce qui se trame aujourd’hui.

Un des DVD est consacré à l’une des plus touchantes et discrètes figures du muet, Harry Langdon. Éternel hésitant, ce Pierrot lunaire est plongé dans des comédies de mœurs, des situations où la dimension psychologique régit plus les intrigues qu’ailleurs, comme lorsque, par exemple, dans Picking Peaches (1924), l’œil toujours frétillant à l’égard de la gent féminine, il croit que sa femme le trompe avec son propre patron et finit à l’hôpital après nous avoir régalé d’une suite de rebondissements purement burlesques.

Et dire que ces quelques DVD ne présentent qu’une toute petite partie de ce que cette usine à gags a produit à la chaîne. On en redemande.

Jacques Kermabon 

Kings of Comedy, coffret 4 DVD, Lobster, 2016, 35 euros. 
n°1 : Mack Sennett, le roi de la comédie
n°2 : Larry Semon, Zigoto
n°3 : Harry Langdon, le Pierrot du burlesque
n°4 : Harold Lloyd et Snub Pollard, le duo improbable

 

Cet article est extrait du numéro 121 de Bref.