Cahier critique 10/03/2017

"Les filles" d’Alice Douard

#8Mars !

Les filles (dont le titre de travail était Les filles ont les cheveux longs) est le premier court métrage hors école – à savoir la Fémis – d’Alice Douard, dont le film de fin d’études, Extrasystole, avait été amplement remarqué (voir Bref n°112).

Dérouler un fil d’un film à l’autre n’est pas une approche impertinente, car à l’attirance trouble d’une étudiante pour une enseignante succède un autre face-à-face féminin assez complexe, entre deux sœurs cette fois. La cadette, Charlotte, vient de passer le bac, comprend-on, et prend un job d’été à un péage d’autoroute. Son aînée Nat, étudiante, entend conserver l’ascendant qu’elle exerce sans doute depuis longtemps sur elle (on voit le père, joué par Emmanuel Salinger, mais aucune allusion n’est faite à la mère : partie ou décédée ?). Le choix de la réalisatrice est de médiatiser cette rivalité ordinaire par le motif du football, que pratiquent les deux sœurs, figurant chacune dans une équipe différente lors d’une partie arbitrée par leur géniteur. “Charly” garde les buts des jaunes, tandis que Nat se pose en figure centrale de l’équipe rouge. L’épisode du match couvre environ le tiers du film et le jeu y est plutôt bien filmé, tant dans le côté maladroit des actions que dans la tension qu’il engendre vite. L’enjeu grossit exagérément pour les participantes, en premier lieu pour Charlotte, qui réalise des prouesses dans les cages – “T’es un génie !”, se marre d’ailleurs sa première supportrice Manon.

Alice Douard a choisi une simplicité bienvenue pour médiatiser l’affrontement. Pas de référence trop facile au western dans ce duel, même lorsque Nath transforme un penalty ; elle s’en acquitte seulement d’une frappe de mule… Au final, Charly va chercher l’estime de son aînée par sa bravoure, ce qui serait banal si le personnage n’avait quelque chose d’une “combattante” façon Adèle Haenel. Solène Rigot, décidément très courtisée par le jeune cinéma français, lui prête à la fois sa bille de clown triste, sa sensualité juvénile et sa ténacité de cabocharde. Pile ce qu’il fallait à cette fille aux cheveux – et aux bras – longs.

Christophe Chauville

Article paru dans Bref n°116, 2015

Réalisation et scénario : Alice Douard. Image : Brice Pancot. Son : Elton Rabineau, Gaël Éléon et Marion Papinot. Montage : Clémence Carré. Interprétation : Solène Rigot, Salomé Richard, Emmanuel Salinger, Yara Pilartz, Sophie Loustalot et Guillaume Bastos. Production : Stromboli Films.