Cahier critique 21/04/2017

"Le grand soir" de Stéphane Brisset

#electionpresidentielle

On le sait, les années 1980 sont à la mode ; normal : les principaux consommateurs de produits culturels d'aujourd'hui sont ceux qui ont grandi avec cette décennie et, côté cinéma, de nombreux réalisateurs de courts devaient bien avoir 10-15 ans en 1981. Le grand soir, situé le jour de la première élection de François Mitterrand à la présidence de la République, s’en fait l'écho dans un fourre-tout séduisant mêlant souvenirs de premières amours adolescentes, matchs de foot du dimanche matin, âge d'or des radios libres et basculement politique majeur. Rythmé par des hymnes rock opérant la jonction entre les seventies et la décennie qui s'ouvre, le film de Stéphane Brisset se déroule avec une belle énergie, dosant à la perfection le petit bout de la lorgnette (la prise de conscience politique du jeune héros est simplement motivée par une histoire d'amour impossible avec la sœur aînée de son meilleur copain, une militante communiste plus âgée que lui) et instantanés d'une France giscardienne saisie par la peur du changement (les scènes familiales volontiers ironiques).

Le film jette un ahuri mollasson (le Grand Duduche de Cabu pourtant plus âgé d'une dizaine d'années n'est pas si loin) dans le grand bain de l'histoire politique d'un pays tout en respectant les règles de la comédie sentimentale traditionnelle. En témoigne la scène finale où le réalisateur abandonne les vignettes nostalgiques pour aborder de front ses personnages ; rentrant de la fête, saluant la victoire de la gauche, amer parce qu'il a vu celle qu'il aimait en embrasser un autre, Éric trouve dans son lit la fille d'amis de la famille qu'il ne supporte pas car, petite bourgeoise type, elle représente tout ce qu'il déteste. Le dialogue qui suit révèle petit à petit l'apprivoisement de deux personnages jamais aussi touchants qu'à ce moment où, dans l'obscurité de la chambre, les corps se frôlant sous les couvertures, ils en viennent à se parler vraiment et se rendent compte qu'ils partagent les mêmes triviales préoccupations adolescentes. Avec cette fin ouverte, tendre et sensible, Le grand soir, bien qu’assez anecdotique, emporte définitivement notre adhésion.

Stéphane Kahn

Article paru dans Bref n°53, 2002.

Scénario et réalisation : Stéphane Brisset. Image : Marc Tevanian. Son : Maxime Gavaudan, Alexis Place et Didier Cattin. Montage : Aïlo Auguste. Interprétation : Thomas Blanchard, Julie-Ann Roth, Julie Durand et Benjamin Bouissoux. Production : Les Films du Kiosque.