Cahier critique 08/03/2017

"Hizz Ya Wizz" de Wissam Charaf

Alors que Tombé du ciel sort sur les écrans, découvrez le premier court métrage de Wissam Charaf.

Hizz Ya Wizz  réalisé en 2004, est l’un des premiers courts métrages de Wissam Charaf. Son premier long, Tombé du ciel, sélectionné par l’Acid à Cannes en 2016 sort en salles ces jours-ci. Et son dernier court, Après, primé à au festival Côté Court de Pantin en 2016, était en compétition à Clermont-Ferrand en ce début d’année.

Tous sont situés au Liban, terre natale du réalisateur. Et dans chacun, en filigrane ou plus directement, il est question de l’héritage de la guerre civile qui a marqué ce pays de 1975 à 1990.

Cet héritage se perçoit ici par traces : criantes sur les façades, mal camouflées dans les intérieurs refaits. La violence resurgit par endroits, dans les gestes des plus jeunes brandissant leurs fusils en plastique, en surface, dans les surnoms, comme au plus profond de chacun des êtres. Rien de réellement pesant ou de dramatique, mais le sentiment plane, comme au-dessus d’un vide. Les traces de la guerre civile s’insinuent dans la banalité d’un quotidien presque morne. Celui des hommes surtout ; celui d’Ali.

Car pour ceux qui sont là, qui sont nés là, il est question de faire avec, d’évoluer malgré tout, de trouver un moyen de “se débrouiller”. Et Ali, lui, a décidé de séduire celle dont il est tombé amoureux. Il semble compter avant tout sur sa virilité, et tout autant en douter (quelques plans sur le corps de Raed Yassine suffisent à l’exprimer). Ne sachant pas comment s’y prendre, c’est à sa sœur qu’il demande. Car les femmes, elles, savent puiser dans toutes les ressources et continuent d’avancer. Elles travaillent, se cultivent, elles décident, elles exigent et sont déterminées à surmonter tous les obstacles. La sœur d’Ali lui suggère la poésie ; il se résout, bien qu’apparemment insensible, à en user.

Hizz Ya Wizz oscille ainsi constamment entre l’envol possible des désirs et la trivialité d’un quotidien terre à terre et de ce dont il est imprégné. Au milieu du vague terrain de foot ou embarqué dans la nacelle improbable d’un manège aérien, Ali semble tout à la fois naturellement là, dans une présence campée, et “à côté”. L’héritage de la guerre civile se ressent alors comme une ombre susceptible de plomber toute tentative d’envol vers la légèreté. Un poids qui pèse sur le quotidien malgré tout ce qu’il offre à saisir : l’amour, la poésie, la musique ou la douceur d’un paysage, ne serait-ce que le temps d’un sourire partagé.

Marie-Anne Campos

Réalisation et scénario : Wissam Charaf. Image : Gertrude Baillot. Montage : Vincent Coste. Son : Olivier Hespel et Julien Ngo Trong. Musique : Zeid Hamdan / Soap Kils. Décors : Randa Rizkallah. Interprétation : Raed Yassine, Peter Semaan, Cherine Debs, Darina El Joundi, Ali Diab et Leila Hakim. Production : Aurora Films / Né à Beyrouth Productions.